260 000 morts, 45 000 disparus et 6,8 millions de déplacés est le triste bilan de la guerre civile en Colombie. Cette dernière aura duré cinquante-deux ans, les négociations de paix près de quatre ans, et les tribulations de sa ratification neuf semaines. Après la victoire du non au référendum du 6 novembre et quelques modifications, une nouvelle version de plus de 300 pages a été ratifiée par le congrès le 24 novembre. L’accord de paix prévoit notamment l’amnistie des guérilleros afin que ces derniers puissent déposer les armes sans crainte d’être arrêtés. Le dépôt des armes devra se faire sous cinquante-deux jours, sous la supervision de l’ONU. Les FARC (forces armées révolutionnaires colombiennes) pourront se constituer en parti politique.

Regard de Yehi, jeune Colombienne qui finit ses études de français langue étrangère à Strasbourg sur ce conflit. 

Peux-tu me rappeler les origines de ce conflit ?

La guerre en Colombie a commencé dès le XIXe siècle, à cause de querelles entre les partis politiques. Il y avait les conservateurs et les libéraux. Les violences se sont nettement intensifiées après la seconde guerre mondiale, quand un partisan de l’aile gauche libéral, Jorge Eliecer Gaitan, s’est opposé au gouvernement conservateur et a commencé à rassembler les foules, menaçant ainsi le status quo dont le parti conservateur et le parti libéral avait longtemps bénéficié. Son assassinat en 1948 a fait éclater la période appelée “La Violencia”. Elle s’est achevée au bout de dix ans quand le parti libéral et le parti conservateur se sont mis d’accord pour se diviser le pouvoir. Ça était le pas le plus important de la guerre civile. Mais une partie de la gauche Libérale rejointe par des communistes et influencée par une vague de révolte socialiste à travers le continent n’a pas accepté ce front National. Puis il y a eu les FARC. Au départ ils menaient une guerre plutôt régionale, c’était des paysans libéraux devenus par la suite communistes. Ensuite en 1995 ou en 1996, je ne suis plus sûre, ils sont réellement devenus les forces armées révolutionnaires colombiennes. Et les affrontements avec le gouvernement ont commencé.  

Comment as-tu accueilli cet accord de paix ? Tu étais pour ou contre justement ?

Franchement, je suis très contente, en effet j’étais pour, bien sûr. Je trouve que c’est une très bonne nouvelle. J’adore mon pays et cela donne des espoirs pour que la Colombie puisse continuer à se développer.

Mais le fait qu’il n’y ait pas d’impunité ne te gêne pas ?

Non pas du tout, au contraire, je trouve que si l’on attend que la justice de mon pays attrape puis qu’elle juge toutes ces personnes, ça va prendre encore plus de temps.  Par ailleurs, sans cette amnistie, ils n’auraient pas déposé les armes.  Même, s’ils s’en sortent en toute impunité, je suis pressée que cette guerre s’achève. Je pense que mon pays a bien d’autres problèmes plus importants dont on ne soucie guère pour continuer avec cette guerre qui n’a pas de sens.

Penses-tu que l’accord entre les FARC et Bogotá va être respecté ?

Je ne peux pas dire mais depuis qu’ils ont signé le premier accord, il n’y a plus de soldats sur le terrain. Personnellement, je ne sais pas vraiment quelles seront les conséquences s’ils ne respectent pas les accords. Cependant j’imagine que ce que veulent les FARC, c’est d’avoir une place dans le gouvernement colombien. Mais ça ne sera pas une chose facile.

Pourquoi cela ?

Du fait de la base du conflit, le gouvernement colombien était connu pour être corrompu. De ce fait, pour avoir une place au sénat, les FARC vont devoir affronter l’extrême droite. Ce ne sera donc pas évident pour eux de se faire une place dans la chambre des représentants. Et pour revenir sur les risques en cas de non respect des accords, je pense qu’il faudra prendre le risque, “lancer une pièce au ciel et voir comment elle tombe” comme on dit chez moi. Le dépôt des armes est selon moi, une première étape importante. Comme cela, mon pays pourra se concentrer et développer le tourisme. 

Marine Fouquez