Une première primaire citoyenne contre l’impuissance électorale

Dans un système politique qui semble accaparé par quelques partis politiques, porte-paroles pour la majorité des puissances financières, bien loin des préoccupations citoyennes; laprimaire.org ouvre la voie pour une démocratie un peu moins représentative et un peu plus participative.

Une démocratie confisquée ?

Début 2016. Se lance pour la première fois, une primaire en ligne ouverte à tous qui, à termes, souhaite présenter un.e candidat.e pour l’élection  présidentielle de mai prochain.

« Aujourd’hui en France, 0,5% de la population (les partis politiques) désigne les candidats aux élections et élabore les programmes. » constat dressé sur le site internet de l’association, à partir duquel il lance ce projet favorisant une démocratie plus participative et locale, à l’opposé de la déconnexion, de la bureaucratisation des parties et de la « carriérisation » de la politique.

Ce projet s’organise bénévolement, initié par l’association loi 1901 Democratech, seulement financé grâce aux dons citoyens. Bien loin de la volonté dont ils ont été taxé par Challenges d' »ubériser » l’élection présidentielle. Le rapport n’étant pas de professionnels vers une clientèle, mais de bénévoles vers des citoyens. Bien que cette initiative pourrait déboucher sur une disruption sur la manière dont nous abordons les élections politiques actuellement ; de façon institutionnelle, partisane et hiérarchique.

Un travail au long cours

Le projet se meut concrètement depuis Avril 2016 (voir infographie). Phase de qualification, de débat, de vote (numérique) se sont enchainées pour choisir un.e candidat.e parmi les 215 candidatures effectives.

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Crédit : Gary libot

Pour ce vote final, cette primaire 2.0 a vu s’inscrire 107 000 citoyens (100 000 était la condition fixé pour que le vote est bien lieu) pour 32 685 votants.

Une méthode de vote plus juste

Le processus à consacrer, le 31 décembre dernier, la candidature de Charlotte Marchandise. Élue avec une mention majoritaire « très bien » accordée par 50,64% des citoyens.

Car, la méthode de vote est, elle aussi, innovante : c’est le principe du vote au jugement majoritaire. Ce procédé permet d’éluder des paradoxes inhérents à la façon de voter que Condorcet, entre autre, à déjà  théorisé.

Le principe de cette votation est simple. Chaque citoyen attribue à tous les candidats une mention. Dans le cas d’espèce, cinq sont proposées : « très bien »; « bien »; « assez bien »; »passable »; »insuffisant ». Chaque mention correspond à un nombre de point (par exemple cinq points pour la mention « très bien » et un point pour « insuffisant »). Suite au comptage du nombre de point, est élue la candidature en aillant reçue le plus.

Ci-dessous explication vidéo sur les avantages de cette méthode et pourquoi elle est la plus proche d’un vote « juste ».

 C’est donc une rennaise de 42 ans, adjointe à la santé sans étiquette de sa ville, au chemin de vie hétérodoxe, qui a été porté par le vote de décembre dernier. « Tout au long d’un parcours atypique qui l’a conduit de l’accompagnement de jeunes parents au web-marketing, en passant par la création d’un bar associatif, l’aide aux migrants ou la cofondation de Nouvelle Génération, sorte de think tank dédié aux usages du numérique¹ »  Charlotte Marchandise est désormais candidate à l’élection présidentielle.

Nécessité de changement et programme ambitieux

Son programme, relativement convergent avec celui de la France insoumise, est marqué par un renouveau des institutions, la volonté d’une démocratie davantage participative, une transition économique et écologique. Le programme est aussi le fruit du dialogue entre la candidate et les internautes. Chacun a pu soumettre des propositions, lesquelles pouvaient être appuyées par les citoyens, témoignant ainsi  de leurs relatives importances.

La proposition phare de Charlotte Marchandise; convoquer une assemblée constituante citoyenne sur deux ans pour rédiger une nouvelle constitution. C’est dire qu’à l’échéance de ce processus, la candidate démissionne pour laisser place à une nouvelle élection, régit cette fois par la nouvelle constitution. Proposition qui semble de plus en plus soutenue, notamment par la voix de Jean-Luc Mélenchon. Les institutions jacobines de la Vème république manqueraient-elles de prêter l’oreille aux problèmes quotidiens des français ?

Autre point clé, la mise en place d’un revenu universel de base, passant nécessairement par une réforme fiscale (impôt progressif, lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscale), revenu dont elle souhaite verser une partie en euro, une autre en monnaie complémentaire et en accès aux droits sociaux.

La transition écologique demeure l’une de ses principales priorités. 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050, voilà l’horizon. Pour ce faire, entre acharlotte-marchandiseutres propositions, la réorientation de l’aide pour la Politique Agricole Commune (PAC) – qui subventionne très largement l’agro-industrie – vers l’agriculture biologique, le local et le commerce équitable.

Repenser l’école, la justice (pour une justice plus restauratrice² et moins punitive), financer avec l’argent public exclusivement des logiciels libres, lutter pour favoriser la condition animale… Autant de proposition qui n’ont qu’une faible représentation dans le sérail politique, gangrené par les thématiques d’austérité, de sécurité et de laïcité qui ont fait florès depuis plusieurs années déjà.

La candidate pour l’élection de déclarer dans un journal local : « Les partis doivent se réinventer. Plus personne n’y croit. Cela rassure de savoir que j’ai une expérience politique sans pour autant être encartée. Je ne suis pas une femme providentielle. Mais je sais faire travailler des gens ensemble.³ »

La prochaine étape pour que Charlotte Marchandise voit sa candidature effective : la récolte de 500 parrainages ainsi que de continuer à récolter des fonds pour la campagne, actuellement 71 000€ ont été récolté, une somme lilliputienne lorsqu’on a à l’esprit que la campagne présidentielle de 2012 aura coûté 74,2 millions d’euros pour dix candidats* (dont près de 42 millions d’euros uniquement pour l’UMP et le PS).

Le projet qui a soulevé un engouement à la fois populaire et médiatique (avec 27 apparitions de début novembre à fin décembre) ne s’arrêtera pas à cette élection du chef de l’État puisqu’il s’est d’ores et déjà lancé dans les législatives de juin prochain. Objectif corsé puisqu’il demanderait dans l’idéal de présenter 577 candidats, un pour chaque circonscription.

Affaire à suivre.
Gary Libot

¹ « Charlotte Marchandise, de la campagne virtuelle à une candidature réelle? » Libération, 7 décembre 2016.

² Lire : « Il y a le procès, la condamnation… et puis plus rien » : http://www.monde-diplomatique.fr/2016/12/DUCRE/56903

³  Le mensuel de Rennes – Novembre 2016

* « Présidentielle : ce que la campagne à coûté aux candidats » Le Monde – 31 Juillet 2012