Littérature : L’envol du Chardonneret de Donna Tartt

Théo Decker a 13 ans lorsque sa mère meurt devant lui. Sans même s’en rendre compte il se retrouve en possession d’une œuvre d’art dont il ne sait encore rien. Commence alors le récit captivant de sa fuite en avant dans des Etats-Unis qui le marginalisent. Le Chardonneret, un roman brillant de Donna Tartt.

Véritable épopée à travers les Etats-Unis et l’art, Le Chardonneret, de Donna Tartt, est captivant. Le prix Pulitzer lui a été décerné en 2014, à juste titre. Grâce à des personnages complexes et profondément humains, avec leurs failles et leurs forces, l’auteure parvient à faire résonner les questions les plus intimes de la vie avec celles qui traversent la littérature et l’art.

Des personnages d’une intense précision

Dans ce roman à la première personne, c’est en premier lieu la construction d’une identité qui se dessine sous les yeux du lecteur. Théo Decker, le protagoniste, vit un drame terrible alors qu’il est adolescent, la perte de sa mère. Il va alors devoir se construire autour de cette absence. Le personnage entre dès lors dans un processus d’évolution dont le lecteur est le témoin passionné. La psychologie est précise, infaillible, de sorte à ce que rien ne discrédite un récit parfaitement mené.

Cette construction du personnage passe par une aptitude aiguisée de Donna Tartt à retranscrire des sentiments humains insaisissables. Chaque nouvelle figure du récit revêt d’ailleurs sa propre complexité, rien n’est laissé au hasard. Théo vit en marge de la société, en est l’observateur lointain et la victime directe, dans le même temps. L’horreur humaine dans laquelle il doit grandir, orphelin de mère, avec un père alcoolique et drogué, prend place au coeur des Etats-Unis. L’échec social des institutions américaines est omniprésent dans le roman.

En 2014, France Inter conseillait la lecture du Chardonneret de Donna Tartt.

Un récit haletant

Le récit est très efficace à traiter de thèmes difficiles et profonds de par l’écriture enivrante de Donna Tartt, mais également grâce à un rythme qui ne retombe jamais au cours de l’intrigue. Le Chardonneret se construit autour d’une enquête, celle de la disparition du tableau éponyme, de Carel Fabritius. Le suspense va jusqu’à l’insoutenable dans la deuxième partie de ce long roman. La disparition de cette œuvre est le prétexte pour Donna Tartt de signer de superbes descriptions artistiques, de tableaux comme de meubles anciens.

L’écriture est finalement mise en abîme à la fin du livre. Par la narration à la première personne, la question se pose du souvenir, de sa subjectivité. Comment écrire sur soi alors même que l’écriture est une reconstruction a posteriori, datée et sujette à des choix plus ou moins conscients, sur ce que l’on raconte de soi. Là est l’enjeu final de ce récit, et par cette question, Donna Tartt achève avec une justesse émouvante la construction de son personnage.

Rachel Pommeyrol