Cuisine libanaise à Lille : À boire et à manger

Depuis quelques années, la cuisine libanaise est à la mode en France. A Lille comme ailleurs fleurissent les enseignes alléchantes proposant kebbé, chawarma, sambousseks et autres falafels aussi bons que s’ils étaient dégustés au beau millieu de Beyrouth. Cependant, qui dit mode dit aussi effet d’aubaine. Si la majorité des gérants de ces restaurants aiment passionnément leur métier et ont à cœur de faire découvrir le meilleur de cette cuisine aux Français, il en est qui profitent de l’occasion pour abuser de la clientèle.

Un métissage culinaire malvenu

La cuisine libanaise n’est bien sûr pas exclusivement libanaise. Elle est connue sous ce nom car les Libanais sont ceux qui l’ont exportée, mais en fait, cette cuisine pourrait être qualifiée de « levantine », car partagée avec Syriens, Turcs, Israéliens et Palestiniens… s’autorisant quelques emprunts aux Egyptiens et aux Grecs.

Cependant, certains poussent le principe du métissage culinaire peut être un peu trop loin. On voit ainsi fleurir des cartes ou voisinant avec quelques mezzés des plus classiques, tels que le hummus ou les feuilles de vigne farcies, des plats typiquement maghrébins : chorba, pastilla ou même tajines. Si la cuisine libanaise s’étend en fait sur tout le Levant, celle-ci n’a, traditionnellement, absolument aucun contact de près ou de loin avec le Maghreb. Même certains plats qui ont un nom en commun, par exemple la très fameuse mloukhiyé, un plat familial à base de corète potagère, sont en fait complètement différents : ragoût de mouton en Tunisie, poulet en sauce accompagné de riz au Liban et en Syrie.

Ce métissage abusif et forcé est en fait né de la volonté de restaurateurs peu désireux d’entrer en compétition sur le marché déjà arrivé à maturité du restaurant maghrébin pour surfer sur la vague porteuse de la cuisine Libanaise, au détriment de l’un et de l’autre. A l’image d’un restaurant qui mêlerait cuisines bretonne et savoyarde, mêler cuisines libanaise et maghrébine ne fait ni un bon restaurant maghrébin ni un bon restaurant libanais.

Le Liban à l’économie

Mis à part ces abus, heureusement pas si fréquents que cela, les maux qui frappent la restauration libanaise à Lille comme ailleurs sont également ceux qui affligent de trop nombreux restaurants de toute sorte. Portions trop petites, même pour les fameux mezzés, préparations bâclées ou recettes mal comprises. L’engouement est tel que des préparations toutes faites de cuisine libanaise commencent à être vendues par les grandes marques de prêt-à-manger qui alimentent les restaurateurs plus soucieux de rentabilité que de grande cuisine. Certes, cela se limite aux préparations les plus simples ou les plus connues : le hummus ou les falafels, mais cela est représentatif d’une tendance : au fur et à mesure qu’elle se popularise et se démocratise, la cuisine libanaise rentre dans le système de la restauration française, pour le meilleur et pour le pire.

Ces restaurants ne peuvent pas être percés à jour d’un simple coup d’œil sur la carte, quoiqu’une carte anormalement longue pour un petit restaurant doit, comme toujours, inciter la méfiance. Les commentaires sur nombreux sites permettant de noter un restaurant ne sont pas non plus d’une grande aide : beaucoup de commentateurs manquent d’un point de comparaison qui leur permettent de juger de la qualité de ce type de cuisine.

De l’intérêt des desserts

Il existe cependant un élément qui peut différencier le restaurant libanais dont le gérant et le personnel sont réellement attachés à la tradition culinaire dont ils se réclament et ceux surfant sur une mode à la recherche de rentabilité rapide, ce sont les desserts.

Les desserts libanais sont en effets des mets particuliers : peu connus en dehors de leur sphère culturelle, ils n’ont, pas encore, fait l’objet d’une industrialisation à grande échelle. Complexes et sophistiqués, ils requièrent non seulement des ingrédients particuliers, mais également un savoir-faire suffisant, y compris pour les plus simples, tels que le sfouf, un gâteau de semoule safrané.

Un restaurant qui engage des dépenses pour acquérir ce savoir-faire et ces ingrédients est donc probablement un restaurant attentif à la qualité de toute sa cuisine, et donc une bonne table ou se rendre. Ainsi, la présence d’une carte des desserts variée peut être un bon signal lorsqu’il s’agit de choisir un restaurant libanais. Il existe bien sûr des exceptions, ceux qui modifient les recettes de desserts en profitant du manque de référence des consommateurs, mais ce degré de duplicité est rare. De manière générale, la capacité à préparer des desserts libanais est une marque du bon restaurant.

Jadis confidentielle, la cuisine libanaise à su, grâce a ses goûts puissants et les valeurs de partage et de convivialité qu’elle véhicule, gagner sa popularité parmi le public français. Au-delà cependant de l’effet de mode, il importe, à une époque ou les consommateurs sont de plus en plus attentifs à ce qu’ils mangent, que cette cuisine joue sur la qualité et l’authenticité et ne tombe pas dans le piège de l’industrialisation et du règne de la boite de conserve.

Guillaume MEREB