D’Alger à Lille, l’activisme des jeunes algériens traverse la Méditerranée

Drapeau algérien (evasion-online.com)

Ils sont des milliers en France à avoir le regard rivé vers l’Algérie. Immigré.e.s algérien.ne.s, filles et fils d’immigré.e.s ou étudiants en échange, les Algérien.ne.s de France vivent au rythme des manifestations algéroises. Les protestations qui durent depuis deux semaines de l’autre côté de la Méditerranée s’opposent à la candidature d’Abdelaziz Bouteflika aux élections présidentielles prévues en avril prochain. Le politicien de 82 ans, malade, absent de l’espace public depuis 6 ans, entend briguer un cinquième mandat. 

Tandis qu’à Alger, la jeunesse prend la tête des mouvements contestataires, les Algérien.ne.s de France se mobilisent également dans la métropole lilloise. Loin d’être anecdotiques, les rassemblements organisés dans l’hexagone ont vocation à apporter au débat un regard ne souffrant d’aucune censure. 

« Pour l’avenir de l’Algérie » 

Samedi dernier, les Algérien.ne.s de France se sont réuni.e.s à Lille, place de la République, pour réclamer une Algérie libre et démocratique. Ils sont une centaine à avoir répondu à l’appel du groupe Facebook « Pour l’avenir de l’Algérie ». L’initiative du rassemblement est née d’une conversation entre Nadia, 24 ans, et une amie. Elles font partie des premières européennes d’origine algérienne à appuyer le mouvement et lui donner une dimension internationale. Elles conçoivent un rassemblement statique et pacifique, à l’image des mouvements algérois. En une journée, les jeunes femmes contactent la préfecture et obtiennent l’autorisation de manifester. Nadia, professeure d’anglais dans la métropole, est née en Belgique et a la double nationalité. Pour elle, cette mobilisation est essentielle: « Beaucoup d’Algériens qui vivent en France se sentent seuls. Qu’ils soient ici pour étudier grâce au système Campus France, ou qu’ils soient d’origine algérienne avec un fort attachement pour leur culture, il n’est pas facile pour les jeunes de vivre ces problématiques. Il nous semblait primordial de rassembler ces différents profils. Comme on dit en Belgique, l’union fait la force ! » Profils différents et idées différentes se sont ainsi côtoyés lors du rassemblement dans le plus grand calme : « On n’était pas là pour favoriser un candidat à l’élection présidentielle plutôt qu’un autre. Nos idées sont différentes, ce qui nous rassemble c’est notre volonté de mettre fin au système politique algérien tel qu’il existe actuellement. Tout le monde criait « Une Algérie libre et démocratique ! » Selon Nadia, la mobilisation est primordiale : « Le but c’est de faire quelque chose. Peut-être que cela ne servira à rien, mais au moins, on pourra se dire qu’on l’a fait. » Nadia a conscience qu’impliquer les jeunes est un enjeu crucial pour la vie politique algérienne. « Plus personne ne vote en Algérie. Les jeunes ne demandent plus leur carte électorale. Le vote ne représente plus rien. J’ai voté en 2014, j’étais encore bien naïve ! » Intéresser les jeunes à la politique serait une première victoire… bien amorcée car le collectif prévoit déjà un deuxième rassemblement dimanche 10 mars à 14h30. 

« La jeunesse algérienne peut servir d’exemple à la jeunesse française » 

Lilya Bouchenabi, roubaisienne de 24 ans a la double nationalité. Les parents de l’étudiante en droit sont kabyles. Elle a appris à connaître l’Algérie lors de vacances familiales. Pour Lilya, la double nationalité est une fierté. Impliquée dans la vie politique française, elle l’est également dans la vie politique algérienne. Lors des précédentes élections présidentielles de 2014, elle a voté au Consulat d’Algérie. Habituée depuis toute jeune aux conversations politiques en famille, elle explique en quoi la situation actuelle est inédite. « D’habitude, on parle de politique avec mes parents et mes frères et soeurs, quand on se retrouve, lors des réunions de famille. Aujourd’hui, c’est différent. C’est le premier sujet qui survient, plus besoin d’occasion spéciale pour échanger ! » Si Lilya regrette de ne pas être sur place pour apporter son soutien à ses jeunes concitoyens, cela ne l’empêche pas de suivre activement les mobilisations dans les médias. Les vidéos qui se propagent sur les réseaux sociaux retiennent son attention : «  Quand on voit les images des manifestant.e.s de ces derniers jours, leur diversité est flagrante. Il y a beaucoup de femmes, beaucoup de blanches, beaucoup sont voilées et beaucoup ne le sont pas. C’est vraiment l’Algérie d’aujourd’hui qui s’exprime. L’aspect positif de la situation actuelle c’est la médiatisation de mon pays, qui est en train de changer, et la France peut enfin le constater. » La jeunesse des manifestant.e.s enthousiasme Lilya. : « C’est un peut-être un peu cliché, mais ils apportent de la fraîcheur. Eux, ils n’ont pas connu les atrocités dont nos parents ont été témoins. Pour eux, tout est possible. Moi je crois aux changements, et je vois la différence avec mes parents. Ils sont beaucoup plus résignés. Je suis fière de ces mobilisations pacifiques. La jeunesse algérienne peut servir d’exemple à la jeunesse française. »  

Sophie BASQUIN