Yvan Bourgnon navigue "au milieu de nappes d'hydrocarbure et de plastique"

Le 18 novembre dernier, Yvan Bourgnon, célèbre navigateur aux multiples records a donné, pour la seconde fois, une conférence à l’Université Catholique de Lille. L’occasion de redécouvrir son parcours d’aventurier, récemment devenu écologiste chevronné.

L’enfant entre mer et montagne

Skipper depuis sa plus tendre enfance, Yvan Bourgnon a un parcours atypique. Loin d’être destiné à la mer, il a grandi en Suisse, dans les montagnes, entre altitude et cours de ski. Et pourtant. A peine né, ses parents l’embarquent dans leur aventure pour une première traversée. A l’âge de 7 ans, il réalise son premier tour du monde. A son retour, compétitions et autres courses s’enchaînent. 20 ans plus tard, il cumule exploits, records, tours du monde ou traversées… Route du Rhum, Mini-Transat, course Jacques Fabre ou Sailing Cup… la liste de ses récompenses est longue et Yvan Bourgnon s’impose rapidement comme une référence dans le milieu nautique.

L’explorateur en quête d’exploit

Mais rapidement, trophées et récompenses le font se remettre en question. « J’ai eu envie de plus d’aventures, de plus de relations avec la mer, de me rapprocher de la nature », nous confie-t-il, presque ému. Avec beaucoup d’humour, il ajoute que c’est sûrement grâce -ou à cause- « d’un peu trop de rhum » qu’il s’est lancé dans cette carrière d’aventurier.

Ponctuant ses propos de petits films illustrant ses exploits, Yvan Bourgnon sait rendre sa présentation vivante. Rires, peurs, émotions, vitesse et coup de stress se mélangent dans de petits clips qu’il a lui-même réalisés. S’adressant directement à sa caméra, Yvan Bourgnon fait rire le public. Tantôt vulgaires, tantôt émus, les récits de voyage contés par Yvan Bourgnon imposent un silence presque religieux à son public.

L’écologiste en quête de sens

« Une claque. Voilà ce qu’on se prend quand on constate les dégâts » raconte-t-il, entre tristesse et dégoût. C’est lorsque qu’il décide de refaire une même traversée, 30 ans plus tard, qu’Yvan Bourgnon se rend compte des dégâts causés par l’activité humaine. « C’est au milieu de nappes de pétrole et d’hydrocarbure que j’ai navigué dans la Mer Rouge ».  « Au large de l’Asie, je ne pouvais à peine distinguer la couleur de l’eau, tellement le plastique la recouvrait ». « Quand on évolue sur l’océan, qu’on se construit sur ses flots, on ne peut pas laisser passer ça ». Et sa vocation d’écologiste était née.

Loin d’être défaitiste, il interpelle le public : « on peut penser que la cause est un peu désespérée… Mais pour la faune, la flore et nous enfants, on doit se battre »

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A son retour d’une énième aventure, il crée l’association Sea Cleaners. Le but ? Construire d’énormes navires –les Manta– capables de ramasser, puis de trier, des déchets plastiques flottant dans l’océan. Grâce à des bateaux nettoyeurs de 70 mètres de long, sur 49 m de large, Yvan Bourgnon et sa flotte de scientifiques ont planché pendant des mois pour construire un bateau, autonome à 75% grâce à la pyrolyse, capable de stocker à son bord près de 600 m3 de déchets, triés par des opérateurs humains puis recyclés une fois à terre.

Sea Cleaners espère mettre à flots leurs premiers navires nettoyeurs en 2023.

Nina Hatte