Bolivie : origines et conséquences d’un automne révolutionnaire

Après treize ans au pouvoir, Evo Morales n’est plus à la tête de la Bolivie. A l’heure où la gauche bolivarienne est en difficulté en Amérique du Sud, une grande période d’instabilité s’ouvre et trouve son origine dans l’effondrement d’un mythe, exploité par une opposition opportuniste.

En 2006, Evo Morales est élu président, le premier d’origine amérindienne depuis 1839.  Il est membre du Parti du MAS « Movimiento al Socialismo ». Son exercice au pouvoir est avant tout marqué par la nationalisation des hydrocarbures. Elle permet de financer diverses mesures sociales parmi lesquelles un minimum vieillesse pour les plus de 60 ans ou encore le Système unique de santé qui depuis 2018 offre à tous les Boliviens la gratuité des soins médicaux. Deux chiffres viennent illustrer ce que certains ont appelé « le miracle économique bolivien » : 4% de croissance annuelle (un record dans la région) ainsi qu’une extrême pauvreté qui a reculé  de 38 à 15% en 13 ans. A cela s’ajoute la représentation des femmes à la chambre des députés qui a triplé entre 2006 et 2015.

Une dérive autoritaire

En février 2016, 51 % des électeurs ont refusé par référendum une modification de la Constitution visant à éliminer le plafond du nombre de mandats consécutifs : Morales à cet instant effectuait son troisième du nom. Mais par la suite, le Tribunal suprême électoral, se prévalant d’une décision du Tribunal constitutionnel, reconnaissait à Morales le droit d’être réélu indéfiniment. En plus de cette pirouette législative contestée, de nombreuses marches ont eu lieu contre sa politique environnementale comme les feux en Amazonie lors du mois d’août en ont fait l’écho.

Puis viennent les élections du 20 octobre, Morales brigue ainsi un 4e mandat. Face à lui, le centriste Carlos Mesa qui plaide lui pour un rapprochement avec les Etats-Unis. Verdict de l’élection : Morales obtient 47,08% , Carlos Mesa 36,51%. La règle constitutionnelle des 40% + 10% d’écart évite un ballottage et enclenche la réélection de l’ancien dirigeant syndical. Problème, le différentiel s’est brutalement accéléré alors que les résultats préliminaires penchaient pour un second tour.

Un climat post-électoral propice à la révolte

Grèves et manifestations s’enchaînaient et donnaient lieu à des affrontements causant trois morts et plus de 200 blessés. Face à cette absence d’accalmie, Morales a déclaré le dimanche 10 novembre la tenue de nouvelles élections mais dans l’après-midi, une déclaration conjointe de l’armée et de la police a réclamé son départ. Lâché, le leader bolivien a annoncé le soir-même à la télévision sa démission. Elle est suivie par celle des successeurs prévus par la Constitution : le vice-président Alvaro Garcia, la présidente et le vice-président du Sénat, ainsi que le président de la Chambre des députés, entraînant une vacance du pouvoir. C’est donc la deuxième vice-présidente du Sénat, Jeanine Añez, qui est amenée à assurer la présidence par intérim. Après avoir rapidement appelé à la fin de la violence et la victoire de la démocratie, elle a pour tâche de convoquer de nouvelles élections, transparentes cette fois, pour le 22 janvier. En attendant, Evo Morales a entamé le 12 novembre son exil au Mexique tout en promettant son retour prochain en Bolivie « avec plus de force et d’énergie ».

Santa Cruz, théâtre de nombreux affrontements et fief de Luis Fernando Camacho, instigateur des grèves, aura été l’épicentre de la révolte. Le vendredi 29 novembre, ce dernier a annoncé sa candidature à la présidentielle.  Proche de la droite radicale, son arrivée à la tête de l’Etat bolivien contrasterait nettement avec les treize années de socialisme incarnées par Morales. Plus d’une décennie au pouvoir conclue en eau de boudin.

Oscar LIPPERT