Affaire Cécile Thircuir : quand la drogue pourrit la vie des habitants de certains quartiers

Le 25 septembre dernier, le procès de Cécile Thircuir, une chanteuse agressée par un dealer à Lille, s’est ouvert. Ce procès fut emblématique des problèmes de drogue dans la métropole. Un mois après, nous refaisons ici un point sur l’affaire.

Tribunal de Grande Instance de Lille au 13 Avenue du Peuple Belge, photo Léa Comyn

En juillet, une Lilloise âgée de 43 ans a été agressée par un dealer de drogue. Alors que la jeune femme garait sa voiture, dans laquelle se trouvait sa fille, deux hommes se mirent face à la voiture. La chanteuse leur demande alors de partir. En réponse, l’un d’eux devient violent et frappe sur le pare-brise. « J’allais faire un créneau et je les ai vus se poster, volontairement, au milieu de la place. Fatiguée de tout ça, j’ai décidé de reculer tout doucement. Et là boum, claquement sur le pare-brise, insultes… » témoigne-t-elle à l’AFP. La tension grimpe avec les dealers qui finissent par en venir aux mains. De cette histoire, la Lilloise en ressort avec la mâchoire cassée. Suite à son hospitalisation, Cécile Thircuir dut prendre un mois d’arrêt de travail.

De l’hôpital, elle publie une vidéo en ligne où elle fait part de son désarroi : « Parce que j’ai haussé le ton suite à des provocations en fin de journée, j’ai la mâchoire cassée en deux endroits. Je vais avoir des plaques dans la mâchoire. Et je ne pourrai pas chanter pendant… », la phrase se termine dans les larmes. Dans cette vidéo, la victime appelle les autorités lilloises à réagir face aux trafics de drogue qui sévissent dans la métropole.

« Pourriez-vous prendre la mesure de la gravité de la situation dans le quartier de Lille Moulins. Je vis dans une zone de non droit, une zone dans laquelle une mafia gouverne »

Cécile Thircuir

Un procès emblématique des problèmes de stupéfiants

Il y a un mois, l’agresseur de la femme a été jugé au tribunal correctionnel de Lille. Ce dernier, âgé de 21 ans, a nié les faits tout en reconnaissant avoir été sur les lieux le jour de l’agression mais y étant pour un tout autre motif : celui de son sport quotidien. Son avocat, Me Stéphane Bulteau avait plaidé la relaxe. Pour lui, la preuve de la culpabilité de l’accusé n’était pas établie : « la victime a pu se tromper ». Cette remarque n’a pas été convaincante pour les juges et le prévenu a été condamné à dix mois de prison avec sursis. Le tribunal lui a ordonné également l’interdiction d’entrer en contact avec la victime et sa famille et de s’approcher du quartier de la Filature, lieu de l’agression. La jeune Lilloise vivait dans ce quartier mais a décidé de déménager et espère encore à ce jour une prise de conscience : « Je n’ai pas choisi de porter un message, j’ai juste voulu être droite dans mes bottes. J’ai le luxe de pouvoir m’exprimer à visage découvert, tout le monde ne l’a pas. C’est ma responsabilité citoyenne » confie-t-elle à France Bleu.

Pour elle, le trafic de drogue n’est pas pris en compte par la mairie de Lille et les quartiers durement touchés sont laissés à l’abandon. En soutien à la victime, des habitants du quartier de la Filature ont tenu à témoigner de leur calvaire. L’un d’eux, qui a demandé l’anonymat, révèle à BFM TV le danger omniprésent : « Il y a beaucoup de dealers, beaucoup de passages de police, beaucoup d’insultes, de menaces. Tous les jours. Il faudrait faire quelque chose parce que ça devient de pire en pire ». D’autres nous apprennent les stratagèmes de certains dealers à savoir l’utilisation de containers pour bloquer l’accès aux halls d’immeuble.

« Ce n’est que le reflet d’une situation insupportable »

La maire de Lille, Martine Aubry, a décidé de réagir face au problème et dit regretter le manque de moyens de la police et « l’enfer » vécu par les habitants. Interrogée sur l’affaire par BFM Grand Lille, la maire répond : « Dès que j’ai vu cette vidéo, j’ai d’abord appelé cette jeune femme. J’étais à la fois en colère et très attristée par ce qui lui arrive. Mais ce n’est que le reflet d’une situation insupportable ». Mme Aubry se tourne donc vers le gouvernement, plus particulièrement le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin : « Castaner nous avait répondu qu’on était sous-dotés, je compte bien aller voir le ministre Darmanin pour le lui redire, parce que ce n’est plus possible ». Le parti LREM de la MEL propose comme plan de lutte, l’installation de plus de caméras de vidéo-surveillance : « La vidéoprotection est clairement une solution et les habitants la demandent, les policiers la demandent également. Ils n’attendent que ça, ça ne doit plus être un tabou » prône Ingrid Brulant, conseillère municipale LREM.

Des perquisitions de plus en plus fréquentes

L’annonce de la généralisation de l’amende par le premier ministre Jean Castex sanctionnant les consommateurs de drogues a induit des opérations dans tout le pays. La métropole lilloise fut l’une des plus grosses saisies en France : 54 infractions relevées, 5 interpellations et 4 kg de drogues saisis au début du mois de septembre.

L’affaire a révélé un véritable problème auquel la ville de Lille doit faire face. Les perquisitions se sont donc multipliées. Dans le fil d’actualité de La Voix du Nord, différents titres ressortent : « Un trafic de drogue démantelé à Carvin, 50 kg de cannabis saisis, deux hommes incarcérés », « Roubaix : le propriétaire d’un immeuble « exproprié » par des dealers », « Lille : lourdes condamnations pour un dealer et deux guetteurs arrêtés rue Herriot » ou encore « Lille : treize mois de prison pour un dealer de Moulins ». Il y a une semaine encore, un important trafic de stupéfiants, reliant les Pays-Bas, la Belgique et la France, a été démantelé par la police judiciaire de Lille et trois suspects furent interpellés. Le 30 septembre, peu après le procès de Cécile Thircuir, trois opérations de lutte contre le trafic de drogue ont donné lieu à six interpellations à Lille.

Léa Comyn