Lors du festival « Médias en Seine » du 19 novembre 2020, Julie Posetti et Rasmus Kleis Nielsen ont présenté un bilan de l’impact du virus sur le journalisme. Outre les dégâts psychologiques occasionnés, le contexte révèle une faille dans la confiance envers les médias.
« Covid-19 : quel impact de la pandémie sur le journalisme ? ». Tel a été le thème d’une des conférences distanciées du festival « Médias en Seine » jeudi dernier. Les invités : Julie Posetti, directrice de recherches à l’International Center for Journalist (Oxford) et Rasmus Klein Nielsen, directeur du Reuters Institute for Study of Journalism et professeur à l’université d’Oxford.
Julie Posetti a exposé au public les résultats d’une étude lancée par l’ICFJ et l’université de Columbia. Elle a pour but, explique-t-elle, de pouvoir faire des recommandations pour le métier en se basant sur des données factuelles. Elle s’est donc basée sur les témoignages de 1400 journalistes dans 125 pays différents sur les conséquences de la pandémie sur leur métier. La directrice précise que cela ne recouvre pas que les pays occidentaux ou les pays développés. C’est ainsi que les résultats présentés viennent de réponses données dans pas moins de sept langues.

Premier constat : la Covid-19 a handicapé l’exercice de la profession
Selon Julie Posetti, 70% des réponses attestent d’un impact psychologique dû à la crise, ainsi que de difficultés croissantes. 67% de ces difficultés seraient liées à l’impact psychologique. Les dégâts émotionnels causés par le virus se révèlent : 82% des journalistes interrogés ont déclaré avoir eu des réactions psychologiques suite à cette situation : anxiété, burnout, etc. 15% ont également déclaré avoir dû rechercher une aide psychologique.
Un des facteurs de ce mal-être répandu est le fait d’être envoyé sur le terrain sans équipements pour se prémunir de la maladie.
De plus, l’adaptation au télétravail dans la profession est ressortie dans les difficultés ressenties. En effet, le financement pour couvrir les coûts opérationnels a été identifié comme un besoin essentiel. Cela inclut la formation aux contenus informatiques pour le journalisme à distance, et la formation à la vérification.
Défiance manifeste envers les journalistes
Autre constatation du contexte d’urgence sanitaire mondial : l’étude a révélé un impact sur la sécurité des journalistes : ils sont devenus l’objet de menaces de plus en plus nombreuses, des censures et du cyber-harcèlement.
Ces résultats témoignent d’une perception souvent négative quant à la valeur du journalisme par le grand public. Un point que rejoignent les résultats transmis par Rasmus Kleis Nielsen. Selon lui, la pandémie a d’abord amorcé une ruée vers l’information, suivie d’un relatif abandon. « Nous retenons trois enseignements de notre travail au Royaume-Uni, déclare-t-il. D’abord, nos recherches laissent à penser que la plupart des gens sont prudents et prêts à prendre des mesures. Ensuite, qu’il existe une inégalité de l’information, qui se construit autour d’indicateurs socio-économiques tout à fait classiques. Puis, qu’il y a une minorité de personnes vulnérables d’un point de vue informationnel, qui s’informe peu ne fait pas confiance aux contenus qu’elle voit. Si on définit cette population vulnérable, elle reflétait 15% de la population à la mi-août 2020. » Il ajoute que cela pourra compliquer pour la communication autour du vaccin contre le virus à l’avenir.
Désinformation et devoir d’information
A la fin du mois d’août 2020, une étude a demandé au grand public si les médias avaient amélioré ou empiré la crise. Il y a eu 35% de réponses « empiré » et 46% de réponses « indifférent ». « Donc nos documents de recherches montrent que les médias peuvent aider les gens à comprendre la crise, mais aussi que le lien entre public et information est en train de se détériorer. »
L’étude « Journalism and the Pandemic« abonde dans ce sens. « Les élus ont souvent cité les médias comme étant la principale source de désinformation, par exemple aux Etats-Unis, au Brésil et aux Philippines, évoque Julie Posetti, Il est important de faire reconnaître le journalisme comme un service public pour le bien public. »
Autres chiffres : 66% des journalistes ont identifié Facebook comme principal vecteur de désinformation.
« Les journalistes qui gèrent les infos ont un rôle à jouer dans la crise de la Covid-19. Il est important de construire un journalisme qui s’appuie sur des relations de confiance, qui se nouent notamment en temps de crise. » conclut Julie Posetti.
Pauline Defélix
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.