L’article 24 de la loi dite de « sécurité globale » suscite l’inquiétude

C’est dans un contexte social tendu que les députés ont adopté, ce vendredi, l’article 24 de la proposition de loi « sécurité globale », rendant illégale la diffusion des images des forces de l’ordre si celles-ci atteignent leur intégrité physique. En réponse, de nombreux syndicats et organismes journalistiques ont organisé de nouvelles manifestations, ce samedi dans toute la France.

Le léger retour en arrière du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin – pour nuancer ses propos et ajouter un amendement faisant une référence directe à la liberté de la presse – n’aura pas suffi à calmer les ardeurs d’un peuple qui, ces derniers mois, a vu nombre de ses libertés amputées, pour des raisons variées. Menace terroriste, crise sanitaire et sociale, confinement, c’est dans ce climat de tensions que le ministre de l’intérieur a fait voter des lois pour renforcer la protection des forces de l’ordre. Pour la plupart des journalistes, le flou que les mots de cette loi comporte ne sont simplement pas acceptables.

Manifestation place de la République

C’est donc place de la République, à Lille, que l’Union syndicale Solidaires du Nord a rassemblé environ un millier de personne à 11h, ce samedi. Deux heures plus tard, ce sont les gilets jaunes qui avaient déclaré leur propre manifestation au même endroit, ayant espéré une convergence des luttes dans ces revendications communes. Pourtant, à 13h, il restait moins de 200 personnes, qui se sont effacées progressivement. Pas d’itinéraire pour cette manifestation autorisée, faute d’effectifs de police, a justifié la préfecture. Pourtant, des dizaines de camions de CRS étaient présents le long de la rue du Molinel, et le nombre de manifestants devait à peine dépasser les effectifs des forces de l’ordre.

Manifestante tenant un panneau « Surveillons la police »

Des journalistes, des gilets jaunes, des jeunes

De nombreux journalistes étaient donc sur place pour documenter ce mouvement de contestation. Nombre des rédactions desquelles ils dépendent avaient fait un point d’honneur à ne pas déclarer l’exercice de leur métier en préfecture, comme le ministre de l’intérieur l’avait suggéré avant de revenir en arrière, quelques jours plus tôt, et de qualifier cette pratique d’optionnelle.

Dans la foule, un jeune homme de 18 ans tient une pancarte « Triez vos déchets, n’en faites pas des ministres ». Quand on lui demande si le rassemblement va donner des résultats, il répond, désabusé : « J’espère, parce que sans espoir on n’arrive à rien, mais je ne sais pas, honnêtement. J’espère qu’ils vont faire le bon choix, parce que sinon… » Et sa jeune amie de continuer : « On va aller brûler des trucs. »

Une gilet jaune explique que son mouvement est sur la route, tous les samedis, depuis deux ans : « On nous tabasse, on nous gaze, souvent sans raisons. Je m’inquiète pour mes enfants, que va devenir le monde de demain si on ne peut même plus s’exprimer ? On a beau se faire entendre, ils n’écoutent pas. Je n’attends pas grand-chose de cette manifestation. »

Etudiant irlandais jouant de sa concertina, au milieu de la manifestation.

Entre les journalistes, les gilets jaunes et les jeunes militants un air de musique se fait entendre, comme un rêve dans la tourmente. Assis aux pieds de la fontaine de la place de la République, un étudiant irlandais joue d’une sorte de petit accordéon qu’il appelle concertina. Il explique en anglais qu’il trouve les règles un peu trop autoritaires pour la population française. Il se sent concerné par la France, il trouve la police trop militante parfois. « Et je me sens aussi concerné pour le reste du monde, pour être honnête. », conclut-il en reprenant son air irlandais.

Arthur Marotine