Conflit entre Mediapro et la LFP : Le football français en attente de cash

Alors que Mediapro avait remporté le lot de diffusion de la Ligue 1 de 2020 à 2024 pour un montant record, celui-ci n’a pas payé la dernière échéance d’octobre et celle de décembre est compromise. Une conciliation est en cours entre la LFP et Mediapro au tribunal de commerce de Nanterre. La sortie de crise a du mal à se dessiner mais les conclusions devraient se tenir le 7 décembre. Tour d’horizon d’un conflit qui dure depuis presque deux mois.

L’affaire commence il y a deux ans, lors des négociations pour les droits TV 2020-2024. Tout semblait bien aller pour le football, lorsqu’un nouvel acteur du nom de Mediapro débarque en France avec l’intention de les acheter pour la somme astronomique d’1 milliard d’euros. Seulement voilà, la Ligue de Football professionnel a vu tout rose une affaire qui était toute noire. Et ce n’est pas faute d’avoir été prévenue.

Canal+ diffuseur historique de la Ligue 1, mais aussi le gouvernement ou encore des clubs de l’élite française avaient vu venir le désastre. Le président Macron a même taclé la LFP, « On avait alerté la ligue. On savait que ce contrat était fragile », a-t-il assuré. « Je pense que les personnes qui l’ont négocié n’ont pas été très sérieuses. » Un tacle qui s’adresse aux anciens dirigeants Nathalie Boy de la Tour et Didier Quillot. Le ministre de l’Education et des sports en a même rajouté, en pointant la « cupidité » et « l’irréalisme » de la LFP. La Ligue italienne avait vu juste l’année précédente en refusant l’offre astronomique de Mediapro.

Plus de deux mois après le début de la Ligue 1, le groupe sino-espagnol a annoncé qu’il ne pouvait pas payer l’échéance d’octobre en raison de la situation sanitaire. Cela fait maintenant un mois que les paiements sont au point mort. L’échéance de décembre ne devrait également pas être payée. Jaume Roures en conférence de presse, était resté plutôt évasif sur les capacités de son groupe mais restait ferme sur son envie de rester le diffuseur principal du football français. Mais les clubs français s’impatientent.

Comment la situation peut-elle évoluer ?

Actuellement, la LFP et Mediapro continuent leur bras de fer juridique au tribunal de commerce de Nanterre. Une conciliation est en cours. « Les deux partis réussiront-ils à se mettre d’accord ? Le groupe de Jaume Roures va-t-il se rétracter ? Canal+ sera-t-il le sauveur du football français ? » : autant de questions en suspens qui tiennent en haleine les observateurs du football français. Vincent Labrune, élu nouveau président de la LFP le 10 septembre dernier, a bien l’intention de solutionner cette crise et d’affronter Mediapro s’il le faut. Si pour l’instant, la Ligue survit par des emprunts à court terme de 120 millions en octobre et de probablement 180 millions pour décembre, la situation est critique.

Plusieurs options sont envisageables.

Première option, Mediapro obtiendrait une ristourne de 25% par rapport aux versements initiaux. Ce qui impliquerait également de renégocier le contrat avec le diffuseur historique Canal+ qui dispose de deux matchs par journée.

Deuxième option, qui relève de l’inconnu, la LFP et Mediapro auraient ajouté une clause secrète dans leur contrat, selon Le Progrès. « Une « exit clause » qui prévoirait le renoncement de Mediapro, le paiement par le diffuseur d’une indemnité de sortie en échange de l’assurance que la Ligue ne le poursuivra pas en justice. Dans ce cas, un nouvel appel d’offres pourra être mis sur pied« , explique le quotidien régional. Une solution « à l’amiable » qui impliquerait le renoncement des Droits TV de la société sino-espagnole et la possibilité pour la Ligue de les remettre sur le marché. Mais le dirigeant de la chaîne Canal+, Maxime Saada, affirmait, dans une récente interview donnée au quotidien économique Les Échos, que « l’arrivée de Téléfoot ne nous a pratiquement pas fait perdre d’abonnés. […] Nous enregistrons même, pour la première fois depuis longtemps, une croissance de notre parc d’abonnés en France. » Le doute plane sur un Canal+ sauveur du football français.

Et enfin, troisième option, au cas où aucun accord ne serait trouvé entre les deux partis. Au terme d’un long procès avec le groupe, la Ligue finirait par recevoir ses versements. Tout reste pour le moment encore très flou. Le tribunal de commerce de Nanterre a en tout cas assuré donner ses conclusions le 7 décembre.

Mediapro habitué à la tourmente

Jaume Roures, patron de Mediapro a l’habitude des batailles juridiques et ne compte pas abandonner. (Crédit photo : SoFoot)

Si l’affaire venait à se jouer contre Mediapro, le groupe de Jaume Roures se verrait dans une position plus que compliquée. L’affaire avec la LFP n’étant pas son seul problème à l’heure actuelle. Entre bataille juridique avec la Ligue italienne et histoire de pots de vins à la FIFA par des dirigeants de Mediapro pour les Mondiaux 2014, 2018 et 2022, le groupe sino-espagnol voit rouge. Sky Italia a, en effet, révélé que la Ligue italienne a contre-attaqué en demandant le versement de 460 M€ en guise de dommages, retards et perte de temps. Rendez-vous le 1er décembre au tribunal de Milan pour une audience entre les deux partis. Autant dire que Jaume Roures est empêtré dans des affaires complexes. Pourtant, le patron du groupe est un habitué de ces batailles juridiques. Pour le journaliste espagnol Pere Rusiñol, ancien de Mediapro, la société ne renoncera pas facilement aux droits du football français : « Mediapro a construit tout son empire avec des batailles de ce genre-là. On a un exemple d’il y a plus de dix ans où ils ont été capables de s’imposer face au plus grand groupe de communication d’Espagne. Personne ne peut affirmer que Mediapro va perdre cette bataille (NDLR : avec la Ligue de football française). » Pour l’instant, les démarches sont figées par le tribunal de Nanterre et empêche la LFP de dénoncer le contrat. Cette procédure peut en théorie durer jusqu’à cinq mois mais plusieurs médias assurent que le conciliateur a prévu de rendre ses conclusions dès le 7 décembre. D’ici là, la Ligue et les clubs de l’élite française vont devoir faire de leur mieux pour survivre à une situation économique déjà bien complexe avec la crise sanitaire.

Kévin Mézière