Le domaine psychiatrique également touché par le confinement

Maria Bernabotto est chef de service santé d’un EMS à Toulon dans le var (Etablissement Médico-Social), accueillant des adultes souffrant de troubles psychiques stabilisés. Dans le domaine psychiatrique depuis 1990, elle se surnomme elle-même « le dinosaure ». En trente ans d’exercice, elle a rarement dû faire face à une situation aussi compliquée. Elle raconte comment les structures (FAM, FO, FH) et le personnel s’adaptent afin de répondre aux besoins des résidents.

Quelles sont les mesures mises en place dans votre structure EMS (Etablissement médico social) depuis ce nouveau confinement ?

Les résidents n’ont plus le droit de sortir seuls. Ils sortent accompagnés de leur éducateur spécialisé pour tout ce qui est retrait d’argent et achat de cigarettes, parce que c’est très important pour eux. Ils peuvent également sortir pour des rendez-vous médicaux mais toujours accompagnés. Nous allons organiser une heure de sortie journalière pour chacun, dans la nature pour prendre l’air, sachant que nous n’avons pas l’autorisation de faire plus que ça. Mais ils ne peuvent plus aller chez leurs parents, ce sont les parents qui vont venir sur le site. Ils auront un droit de visite alors évidemment avec toutes les mesures sanitaires qui s’imposent.

Comment ces personnes souffrant de pathologie anxiogène, vivent cette situation ?

Ce n’est pas facile pour eux. En fait il y a deux cas de figure. Il y a des personnes pour qui le confinement et l’enfermement, ça les rassure et puis d’autres pour qui ça fait l’effet contraire parce que ça leur rappelle l’asile ou tout un tas de mauvais souvenirs. Et pour des gens qui souffrent de paranoïa, la situation augmente le sentiment de persécution, on leur veut du mal, c’est le syndrome du complot. Toutes ces mesures, ajoutées au confinement, augmentent leurs angoisses, notamment celle de la mort. Ils ont peur de mourir. Ils sont également plus tendus parce que leurs libertés sont entravées. Nous-mêmes on le ressent, ils le ressentent aussi. Le problème c’est qu’ils vivent en collectivité et que la collectivité exige des précautions différentes que lorsqu’on vit seul. Du coup c’est le collectif qui prime sur l’individuel.

Mais paradoxalement, je trouve qu’ils se sont adaptés plus vite que les personnels. On a plus de récriminations de la part du personnel que des résidents.

Certains résidents sont des OTH (ouvriers travailleurs handicapés), comment cela se passe-t-il pour eux ?

Ces personnes continuent de se rendre à leur ESAT (Établissement et Service d’Aide par le Travail), le lieu où ils travaillent. Le souci c’est les transports en commun parce que c’est un lieu serré où il y a pas mal de personnes. S’il le faut, ils arrêteront de travailler. Mais il faudra voir sur le plan financier. Lors du premier confinement, ils ont été contraints de s’arrêter mais le gouvernement versait une compensation. Il ne perdait donc pas de salaire. Mais cette fois-ci c’est différent puisque le travail a été maintenu.

Le personnel se sent-il en difficulté face à cette situation ?

Oui. Comme les mesures changent tout le temps, nous devons sans cesse réactualiser le plan de continuité des soins et des accompagnements. On change, on s’adapte. Un exemple parmi tant d’autres ; si nous ne voulons pas qu’ils sortent seuls, il faut qu’on contrôle. Si on veut contrôler, il faut mettre quelqu’un au portail puisqu’il n’est pas fermé. Ils avaient le droit de sortir jusqu’à maintenant. Au niveau des activités, nous devons donc en rajouter et et doubler certains créneaux pour respecter le nombre maximal de participants tout en permettant que tous les résidents puissent participer s’ils le veulent.

Pour le personnel, ce n’est pas toujours évident de s’adapter aux besoins dans ces conditions. En plus de ça, le personnel a parfois l’impression d’aller contre le droit des personnes en appliquant certaines mesures. C’est notamment le cas pour ce qui est de l’interdiction de sortir. Vis-à-vis de ces personnes vulnérables, on se dit : « de quel droit, on les empêche de faire telle ou telle chose ?« .

Maëlliss Patti