Fermées par le gouvernement en octobre dernier, les auto-écoles vont finalement pouvoir rouvrir ce samedi. Un soulagement pour les gérants, les moniteurs mais surtout pour les élèves.

Gérant de plusieurs auto-écoles dans le Pas-de-Calais, Fabien a longtemps nagé dans l’incertitude. A la date du mercredi 25 novembre, soit la veille de l’annonce de Jean Castex, il annonçait encore ne rien savoir quant à une éventuelle réouverture : « Aujourd’hui, on ne peut toujours pas ouvrir. On n’est pas considéré comme des commerces. Donc on attend d’en savoir plus ». De l’impatience, due en raison à d’importantes pertes financières durant cette période des deux confinements : « Il faut savoir que j’ai perdu entre 30 000 et 40 000 euros de chiffre d’affaires. Le plus important néanmoins reste la trésorerie. Durant ces deux confinements, les charges fixes continuaient à tomber. Je devais payer les voitures, les loyers, les assurances… J’ai trois salariés aussi, j’avais dû appliquer le chômage partiel, je payais les salaires, et j’étais en grande partie remboursé par les institutions étatiques. Même si j’ai eu quelques arrangements avec l’Etat sur certaines choses, je devrais bien payer ces sommes un jour. ».

S’il affirmait être en accord avec le gouvernement sur la première fermeture en mars dernier avec des consignes claires, la deuxième a été plus dure à avaler : « Lors du premier confinement, c’était clair, tout était fermé. On comprenait. Le deuxième est beaucoup plus incompréhensible. On a le droit de faire passer des examens mais pas donner de leçons. Pourtant, on est plus dans une voiture le jour d’un passage de permis que durant une leçon. Mais de notre côté on a boycotté les examens. Sans leçons, sans entraînement, c’est beaucoup d’échecs assurés. Cela n’en valait pas la peine à part pour les élèves que j’estimais aptes à envoyer en examen ou ceux qui étaient en conduite accompagnée. »
S’il ne s’attendait pas à rouvrir avant le 15 décembre soit la date annoncée du déconfinement, la nouvelle de Jean Castex jeudi matin sur la réouverture lui a évidemment redonné le sourire. Néanmoins, une organisations sera de mise : « Maintenant qu’on va pouvoir rouvrir, je m’attends à une demande importante de demande de passages de permis. Le problème c’est qu’on arrive au mois de décembre. C’est un mois de fête et il y a très peu d’examens. Même si de notre côté on travaille comme des fous, beaucoup d’inspecteurs prennent leurs vacances à Noël ou au Nouvel An. Je pense surtout qu’on va commencer à être débordé à partir du mois de janvier car les possibilités de passage seront plus grandes ».

Une réouverture qui l’obligera donc à se plier aux gestes barrières comme l’a annoncé le Premier ministre à savoir le port du masque obligatoire, l’utilisation du gel hydroalcoolique entre les leçons ainsi qu’une désinfection des commandes. Une bonne nouvelle donc pour Fabien, qui se montre assez serein pour l’avenir : « Je ne suis pas inquiet quant à la possibilité de pouvoir rattraper le gouffre financier qu’ont causé ces deux confinements. Je ne me fais pas de soucis. Dans toutes les auto-écoles, une fois que ça se remet en route, ça se remet en route. Des élèves attendent et on sait qu’on va forcément les récupérer. Ce n’est pas comme les magasins où s’ils ont pas réussi à vendre, ils ne pourront plus le faire plus tard. Nous, c’est différent. Les gens nous attendent pour le permis. Donc on va avoir beaucoup de travail, on sera surmenés. Les gens vont forcément revenir. Ma seule crainte réside en la crise. En effet, elle a peut-être provoqué de nombreux chômeurs, qui ne pourront plus assurer les coûts du permis. Néanmoins, je pense que ce sera à moyen terme. Dans un avenir proche, notre activité va vite reprendre ». C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

Clément, un moniteur heureux de reprendre
Si du point de vue de Fabien, cette réouverture tombe à point nommé, Clément, moniteur dans le Nord est bien évidemment heureux de pouvoir reprendre le travail. Il a néanmoins tenu à minimiser les effets du confinement : « Au niveau du chômage partiel, mon patron me payait. Je n’avais aucun soucis là-dessus. Elle est très réglementaire. Mais disons, que comme je touche presque le SMIC, j’ai quasiment la totalité de mon salaire. Je devrais le percevoir dans pas longtemps. Sinon, ce confinement je l’ai plus vu comme un repos. Ce n’est pas un métier évident. Mais je n’étais pas inquiet. Plus pour la société car il y a les voitures et les assurances à payer ».
Si il est donc du même avis que Fabien vis-à-vis des charges à payer pour l’auto-école, il ne trouvait cependant pas ça illogique de continuer à maintenir les examens : « Je peux comprendre. Il faut savoir qu’après le premier déconfinement, les demandes d’examens étaient impressionnantes. C’était complètement bouché. Donc, ils ont voulu éviter ça en poussant à les maintenir. Néanmoins, je suis d’accord sur le fait que cela a donné beaucoup d’échec parce que les élèves n’ont pas pu passer les dernières leçons préalables au passage du permis. Donc au final, je suis assez neutre sur la question même s’il est vrai qu’on est trois dans une voiture le jour de l’examen contre seulement deux en leçon. »
S’il trouve une réouverture plus que légitime, il s’inquiète néanmoins vis-à-vis des règles sanitaires : « La seule chose qui me rend inquiet, ce sont le respect des gestes barrières. On est à moins d’un mètre de distance vis-à-vis de l’autre élève. C’est donc très compliqué de les faire respecter. Pas au niveau du nettoyage des commandes du véhicule car je le fais personnellement devant eux ni au niveau du gel. C’est au niveau du port des masques que cela m’inquiète. Les élèves ne savent pas toujours le porter. Je devrais plus être strict à ce propos. Après, on était dans la même situation après le premier déconfinement. Mais à part ça, je suis bien évidemment heureux de reprendre ».
Un soulagement pour les élèves
Si au niveau financier, il est important pour un gérant de rouvrir, que signifie une réouverture pour les élèves ? De l’espoir, tout simplement. Pierre, étudiant à Lille, nous a livré son sentiment : « C’est une superbe nouvelle. J’ai besoin du permis pour trouver un travail. Pour moi, c’était donc plus que nécessaire et c’est un réel soulagement ».
Baptiste, quant à lui, élève dans la région de Dunkerque est lui aussi ravi : « C’est bien évidemment une bonne nouvelle ! Cela va nous permettre de reprendre notre progression et c’est essentiel parce que professionnellement le permis me sera utile ». Une réouverture oui mais aussi des leçons à rattraper, ce qui l’inquiète d’un point de vue financier : « La principale source d’inquiétude que j’ai concernant le permis c’est le délai. J’ai déjà passé la conduite une fois et je l’ai raté à vraiment pas grand-chose. J’ai beaucoup d’heures de conduite à mon actif donc l’autre élément qui est problématique c’est le financier. En effet, le permis commence à me coûter cher malgré tout et j’ai forcément perdu des compétences acquises avant le reconfinement ».
Il s’inquiète aussi par rapport au délai : « Par ailleurs, les délais pour les leçons de conduite vont forcément être rallongés et c’est une situation compliquée pour tout le monde, aussi bien pour les auto-écoles qui ne perçoivent que peu de revenus que pour les élèves qui se retrouvent sur des listes d’attentes. Non seulement pour les leçons mais aussi et surtout pour les examens. J’ai d’ailleurs carrément dû changer d’auto-école pour cette raison-là. Après cela dit en tant que cheminot je garde une certaines mobilité mais j’imagine que ça doit être encore pire pour ceux qui n’ont pas accès à la gratuité des transports ».
Alicia, quant à elle, a décidé d’essayer de décrocher le précieux sésame dans le Pas-de-Calais. Elle est bien évidemment heureuse de cette décision : « J’avais vraiment hâte que ça rouvre. J’étudie sur Lens et j’ai besoin de la voiture. En plus, arrive la période des partiels. Ils commencent généralement tôt le matin. Je pourrais y aller en bus ou en train mais avec la Covid-19, j’évite au maximum les transports en commun. Par conséquent, mes parents sont par moment obligés de prendre une journée de congés pour m’amener en cours car il faut savoir que je dois m’y rendre en présentiel à certains moments étant donné que j’ai des TP. Avoir le permis serait aussi une sécurité vis-à-vis du virus ».
Une élève donc heureuse, mais qui tient néanmoins à nuancer un tant soit peu ses propos : « Je suis certes heureuse de cette décision. Reste maintenant à savoir quand je pourrais avoir une date. On m’a souvent baladé à ce niveau donc j’espère en avoir une rapidement ». Vous l’aurez compris, malgré cette bonne nouvelle, la patience sera toujours de mise chez les candidats.
Nathan Bricout
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.