Le ministre de l’Intérieur a réaffirmé sa « confiance » envers Didier Lallement, après l’évacuation musclée d’un campement de migrants à Paris, et la vidéo de trois policiers tabassant un homme pendant près de 15 minutes. Retour sur le parcours tumultueux du préfet de police de Paris.
« Je renouvelle ma confiance au préfet de police ». Sous le feu des critiques depuis plusieurs jours, Gérald Darmanin a apporté son soutien au préfet de police Didier Lallement. Le ministre de l’Intérieur a une nouvelle fois dénoncé « des gestes totalement inacceptables » de la part de « quelques policiers ». Depuis la semaine dernière, Didier Lallement est la cible de vives critiques de la part de la classe politique. Entre violences policières et phrases qui dérangent, le bras armé de la doctrine du maintien de l’ordre est sur la sellette.
Lallement dérange
En poste depuis la destruction du Fouquet’s sur les Champs-Elysées par les Gilets jaunes, Didier Lallement s’est illustré pour son côté inflexible. Il gère ainsi le maintien de l’ordre à Paris et dans la petite couronne, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. Sa priorité : protéger le président de la République contre ces manifestants.
En novembre 2019, après de nouveaux heurts entre la police et les Gilets jaunes en marge d’une manifestation, des propos virulents avaient été tenu par le préfet de police. Lors des constatations des dégâts, Didier Lallement assène à une habitante, vêtue d’un gilet jaune « Nous ne sommes pas dans le même camp, madame ». De ce fait, l’homme à la grande casquette met en opposition les manifestants et les forces de l’ordre. En pleine crise sociale, il assume une stratégie d’affrontements musclés. Peu de temps après, il s’était justifié au Parisien avec cette phrase « qui peut être surpris de l’ordre soit le contraire de désordre », ce qui lui aura valu d’être repris par Emmanuel Macron. Ainsi, le gilet jaune Jérôme Rodrigues surnomma la méthode utilisée par le préfet comme la « Gestapo Lallement ». Certains y sentent un air de guerre civile. Et ce n’est que le début.
Une sortie sur le confinement qui ne passe pas
En avril dernier, durant le premier confinement en France, une nouvelle sortie de Didier Lallement avait provoqué l’effroi de la population française. Les forces de l’ordre mettaient en place des contrôles pour dissuader les départs durant les vacances de printemps. Le préfet avait alors détaillé le dispositif lors d’une intervention en direct à la télévision.
Il a ainsi expliqué qu’il n’y « avait pas besoin d’être sanctionné pour comprendre que ceux qui sont aujourd’hui hospitalisés, ceux qu’on trouve dans les réanimations désormais aujourd’hui, ce sont ceux qui au début du confinement ne l’ont pas respecté». Il a également expliqué dans la même intervention que les policiers allaient être « très sévères » à l’encontre des Franciliens qui ne respecteraient pas les mesures de confinement. La phrase de trop pour les familles des malades, qui condamnent ce jugement de valeur alors que certains souffrent de problèmes de santé depuis des années. Les demandes de son départ affluent. Didier Lallement, fier de sa réputation ironise : « Malheureusement, les consignes ne sont pas assez vite comprises. Vous me connaissez et je vais les faire comprendre assez vite » même si il s’excusera par la suite.
En juillet dernier, après la nomination de Jean Castex au poste de Premier ministre à la place d’Edouard Philippe, des rumeurs d’éviction faisaient état d’un éventuel limogeage de Didier Lallement, le nouveau chef du gouvernement voulant se débarrasser de ce dernier, avant que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ne lui renouvelle sa confiance.
La vitrine des violences policières
Depuis plusieurs mois, des suspicions de violence ont entaché l’homme à la grande casquette. En janvier 2020, la mort de Cédric Chouviat avait soulevé un émoi national. L’homme, plaqué au sol lors d’un contrôle routier, crie « j’étouffe » à sept reprises. Transporté dans un état critique à l’hôpital Georges-Pompidou, le père de famille de 42 ans décède deux jours plus tard. Lallement ne condamne pas les actions de ces policiers.
En mars 2020, il est de nouveau sur le grill à la suite d’images d’une violente répression d’une marche féministe. Des centaines de militantes avaient été chargées et violentées par les forces de l’ordre. Après ces événements, la préfecture de police de Paris avait simplement regretté une fin de manifestation « entachée d’incidents ». Au même moment, Médiapart révèle que le préfet de police était accusé dans ses propres rangs « d’emplois disproportionnés de la force» «contraire à la législation» Mais le ministre de l’Intérieur, de l’époque, Christophe Castaner continue de dire qu’il n’y a pas de « problème Lallement ».
Cet été, il fait face à des accusations de racisme dans la police. Alors que les Français marchaient pour George Floyd et Adama Traoré, le chef de policiers de la capitale avait affirmé : «la police parisienne n’est ni violente, ni raciste. (…) Il n’y a pas de race dans la police» (NDLR : mails révélés par Médiapart). Des propos remis en doute depuis les récentes images de violences policières à l’égard des migrants et des personnes racisées.

Lundi 23 novembre, des tentes de migrants installées place de la République à Paris ont été arrachées par la police. Des vidéos ont montré des actes de violences de la part des policiers envers les migrants, mais aussi des manifestants et des journalistes. Sur LCI, le député de la France Insoumise de Seine-Saint-Denis Alexis Corbièr a demandé la démission de préfet de Paris : « ça suffit! Vous devez laisser la place à un homme ou une femme plus raisonnable qui utilise la police pour ce qu’elle doit faire».
Deux jours plus tard, Loopsider a révélé les vidéos édifiantes du tabassage de Michel par trois policiers parisiens ; des images de surveillance et des vidéos de voisins montrent comment Michel a été frappé, matraqué, menacé d’une arme car il ne portait pas son masque. Il dit avoir été traité de « sale nègre » à plusieurs reprises. Neuf autres jeunes ont subi des violences pendant l’intervention. Les policiers ont été évincés, mais cela ne suffit pas à apaiser les Français.
Reste à savoir si Gérald Darmanin décidera de la garder à ce poste comme il l’avait dit, ou sous la pression populaire, l’évincer. Coûte que coûte.
Claire Boubert
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.