En ce dernier weekend de novembre, il est temps pour les biathlètes français de remettre un dossard : l’individuel, épreuve la plus longue, lance la saison 2020-2021. Malgré le contexte sanitaire et un calendrier modifié, les 12 meilleurs biathlètes tricolores (6 femmes et 6 hommes) ont retrouvé leurs adversaires à Kontiolahti en Finlande. Une nouvelle ère pour ce groupe qui doit pour la première fois depuis 13 ans faire sa rentrée sans sa star Martin Fourcade, néo-retraité.
Kontiolahti, samedi 28 novembre, 11h. Le starter donne le feu vert pour le début de cette nouvelle saison. Pas moins de 200 athlètes de 30 nationalités différentes sont réunis en Finlande dans des conditions très particulières : aucun spectateur, tests PCR obligatoire plusieurs fois par semaine, port du masque pour tout l’encadrement et pour les athlètes excepté pendant la course et l’échauffement, nombre restreint de médias. Tous ces changements sont à prendre en compte dans le quotidien très routinier les jours de course. Le huis-clos est très particulier pour les athlètes : il n’y aucune ambiance dans le stade, sur le pas de tir et sur le bord de la piste. Les supporters ne sont pas là pour redonner de l’énergie dans les moments difficiles. Nadège Morelle, infirmière à Lille et téléspectatrice assidue depuis 5 ans, précise : « ça pousse d’entendre le public derrière soi et il y a moins d’émotion à l’arrivée. »
Être un athlète polyvalent
Mais au fait, qu’est-ce que le biathlon ? Peu, voire très peu pratiqué dans le Nord au vue de la géographie plutôt plate, il s’agit d’un enchaînement de ski de fond et de tir à la carabine. Le but est d’allier au mieux ces deux sports contradictoires. Nadège Morelle explique que cette association est « une sacré prouesse. Le ski est un sport très cardio alors que pour le tir, il faut rester calme et concentré. Ce que j’aime dans le biathlon, c’est que rien n’est joué d’avance. Un mauvais tir et tout peut basculer. » Tout l’enjeu est donc d’arriver à vite faire redescendre le rythme cardiaque pour blanchir les cibles. Ces dernières sont situées à 50 mètres de l’athlète. Pour compliquer le tout, les biathlètes doivent maitriser 2 façons de tirer : le debout et le couché. Pour le tir couché, la cible est aussi grande qu’une balle de golf tandis que pour le debout, le diamètre est égal à un CD.
Pendant une saison de biathlon, 4 épreuves individuelles et 3 collectives sont au programme. De novembre à mars, 10 semaines ou weekends de compétition sont prévus et répartis par blocs de 3 semaines environ. Lors de chaque étape, toutes les épreuves ne sont pas au programme. L’objectif de l’IBU (International Biathlon Union) est de proposer un calendrier attractif pour les athlètes mais aussi pour les chaines de télévision. Cette année, l’agenda a subi quelques modifications à cause du virus. Les étapes françaises, suédoises et une allemande sur les deux de prévues ont été annulées et chaque site accueille 2 weekends de suite les compétitions. L’IBU a ainsi réduit les déplacements et donc le risque de contamination. Le maitre-mot de cette saison est adaptation. En effet, si des athlètes sont positifs à la Covid-19, cela remet en cause leur participation aux courses et donc leur chance de bien figurer au classement général. Chaque course attribue des points suivant le classement et à la fin de la saison, l’athlète qui en obtient le plus est déclaré vainqueur et gagne le globe de cristal. Il y a aussi des classements annexes qui permettent de mettre en avant le meilleur athlète par épreuve individuelle ainsi que la meilleure nation.

Retraite de Martin Fourcade
Outre les enjeux sanitaires, la retraite de Martin Fourcade sonne l’entrée dans une nouvelle ère pour le biathlon mondial. Après 13 ans au plus haut niveau, 6 titres de Champion Olympique, 13 médailles d’or mondiales, 7 fois vainqueur du globe de cristal et pas moins de 83 victoires sur le circuit de la coupe du Monde, le meilleur biathlète de tous les temps a tiré sa révérence au mois de mars dernier. Il dépasse Ole Einar Bjoerndalen, légende norvégienne du biathlon dans tous les domaines alors que les spécialistes pensaient qu’il serait impossible qu’un athlète y arrive un jour.
Au mois de mai dernier, l’équipe de France a donc repris le chemin de l’entrainement sans Martin Fourcade. Ce changement a été dur à encaisser au début pour Emilien Jacquelin, membre de l’équipe depuis 3 ans et qui s’entrainait tous les jours avec Martin. Il lui a fallu un temps d’adaptation mais finalement, l’émulation de groupe a pris le dessus. En effet, les tricolores forment le meilleur collectif du monde au côté des Norvégiens. Sur les 6 biathlètes présents en équipe de France, chacun peut prétendre à une victoire individuelle et la force de ce groupe est son homogénéité. Pour Nadège, « tous les Français ont leur carte à jouer, ils l’ont prouvé l’année dernière. » En effet, les Français ont très bien figuré dans le haut du classement général de la coupe du Monde 2019 – 2020 : Martin Fourcade 2e , Quentin Fillon-Maillet 3e, Emilien Jacquelin 5e et Simon Desthieux 6e. Elle ajoute que le défi de cette année pour les tricolores est « de rester mobilisés et performants sans leur chef de file. C’était un sacré leader et il va falloir que quelqu’un prenne ce rôle. » Quentin Fillon-Maillet a pris le leadership et le revendique. Il souhaite devenir numéro 1 mondial, après 2 années terminées à la troisième marche du podium.
Du point de vue des biathlètes internationaux, la retraite de Martin Fourcade est aussi un évènement qui va marquer cette saison. Johannes Boe, vainqueur depuis 2 ans du classement général et adversaire le plus redoutable des Français, s’est exprimé à ce sujet samedi après sa course : « Maintenant que Martin n’est plus là, je suis dans l’obligation de gagner à chaque course. Mes sponsors, ma famille, mon entourage, tout le monde me dit que je devais gagner et qu’un podium n’est pas suffisant. » De quoi rajouter une certaine pression à ce Norvégien jeune papa.

Crédits Photos : Le Parisien
Quels sont les favoris ?
Du côté des hommes, Johannes Boe est évidemment favori à sa propre succession mais pour Nadège, « son frère Tarjei est tout aussi dangereux. » Chez les tricolores, « tous sont capables de gagner car ils sont bons en individuel et en relais. Quentin peut battre Johannes sur les courses individuelles. Le Norvégien se loupe parfois sur certains tirs et laisse des opportunités à ses adversaires. » Que ce soit Quentin Fillon-Maillet, Simon Desthieux, Emilien Jacquelin ou Antonin Guigonnat, chacun ira chercher la meilleure place possible à chaque course. On peut également citer Alexander Loginov (Russie), 7e du classement général l’année dernière ou encore Benedikt Doll (Allemagne), 8e.
Du côté des femmes, l’italienne Dorothea Wierer est également favorite à sa propre succession mais les Allemandes et les Norvégiennes ne sont pas loin derrière. Les Tchèques et Suédoises suivent de très près et peuvent s’engouffrer lorsque les favorites passent à la trappe. Pour les Françaises, le groupe est à la recherche d’une leader après une saison en demi-teinte. Le retour d’Anaïs Chevalier-Bouchet après un an de pause pour mettre au monde son enfant a fait du bien à tout le monde. Leur objectif principal est de retrouver une certaine régularité au tir, ce qui leur a fait défaut la saison dernière.
Pour suivre les aventures des Françaises et des Français tout au long de l’hiver, L’Equipe 21 diffuse en clair et en direct toutes les étapes. Derrière le micro, Anne-Sophie Bernadi et Alexis Bœuf, journaliste sportive pour la première et ancien biathlète pour le second.
Amélie Desjuzeur
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