Reporter-photographe de guerre : un métier indispensable pour témoigner

Patrick Chauvel, né le 7 avril 1949 à Paris, est un reporter-photographe de guerre, réalisateur de documentaires et écrivain français. Il a couvert 34 guerres dont il est revenu sept fois blessé. Nous venons tous d’un univers qui nous prédestine à tel ou tel destin, celui de Patrick Chauvel est fait de voyages, d’histoires contés, d’une histoire familiale « compliquée ».

Petit-fils de l’ambassadeur Jean Chauvel – qui a participé aux accords de Genève mettant fin à la guerre d’Indochine (1954) – fils du journaliste Jean-François Chauvel, Patrick vie la première partie de sa vie avec son grand-père. Car le père est absorbé par son métier et sa mère, Antonia Luciani, est absente depuis sa naissance. Il a connu la Suisse puis Londres avant ses 10 ans, jusqu’à ce que son pater décide de le mettre en pension, jugeant l’atmosphère d’une ambassade impropre à l’endurcissement. Patrick atterrit à Jouy-en-Josas au collège de Valvert-Le Montcel. « Une pension un peu militaire, on marchait au pas, on faisait le parcours du combattant, on faisait la monté du drapeau, châtiment corporel, bagarre organisée… Effectivement c’était formateur, je peux pas dire le contraire et après 3 ou 4 ans les Jésuites. C’était assez formateur aussi, surtout que je suis réfractaire aux maths et ce sont des gens qui aiment bien les maths » c’est ainsi que Patrick Chauvel résume sa scolarité lors d’une interview dans l’émission VIP. Au détour d’un passage de Rapporteur de guerre il nous raconte ce qui l’a décidé à se lancer :

« Je sortais d’un dîner chez mon père, grand reporter au service étranger du Figaro. À table se trouvait un autre journaliste, Gilles Caron, un « grand » parmi les meilleurs de sa génération. Pendant tout le repas, ils racontent, ils font des projets d’aventure. Comme d’habitude, je suis fasciné. Je dis comme d’habitude, parce qu’il y a souvent des « grands » autour de cette table – Schoendoerffer, Lartéguy, Kessel, Bodard, etc. Ils parlent de leurs aventures, puis ça tombe d’un coup sur la qualité du vin rouge. C’est l’instant où je fixe une photo qu’il y a derrière eux sur le buffet, qui me fait rêver. Je l’ai toujours connue à cette place, fidèle compagne de mon attention. Quand personne ne me regarde, je la contemple. Pierre Schoendoerffer et mon père. Jeunes. Leur première rencontre au Maroc pendant la guerre du Rif en 1955. Une amitié qui allait durer de nombreuses années et générer des reportages magnifiques. Je rêve d’amitié et d’aventure ; je n’ai ni l’une ni l’autre. Ils racontent bien leurs histoires, on s’y croirait. En tout cas je m’y crois, et je veux en être. Je le dis à Gilles et, à ma surprise, il me répond : « vas-y ! ». C’est drôle, comme de toutes petites phrases peuvent faire basculer le destin. »

Baptême du feu

Adoubé par Gilles Caron et inspiré par son père, Patrick alors âgé de 17ans s’en va pour l’Etat d’Israël couvrir une guerre qui est sur le point d’éclater, la guerre des 6 jours (1967). Pour cette première aventure il est armé d’un Leica M3 et d’un objectif 35mm/2,8 prêté par Gilles. Son père lui donne 500 francs et 5 films noir et blanc, cadeau qu’il reçoit comme un « encouragement extraordinaire ». Quant au billet il le trouve dans le journal, le gouvernement israélien cherche des volontaires pour travailler dans les kibboutz et le voyage est payé. Sur le bateau qui l’emmène à Haïfa, en Israël, il découvre des jeunes gens comme lui en quête d’aventure, avec pour ambition d’écrire « l’Histoire avec un grand H ». Patrick Chauvel est happé par ce torrent de nouveaux arrivants sans savoir où il va, la seule chose qu’il sait c’est qu’il est là pour prendre des photos et faire comme ses pères. Le jour où il met pied à terre la guerre éclate. A croire que la vie joue des coudes pour l’emmener vers le chemin du rapporteur de guerre. De ce voyage il ne rapportera aucun cliché exploitable.

Pour éviter de réitérer la même erreur, il effectue un stage au service photo de France-Soir à son retour, grâce à sa tante Patricia Chauvel qui y est grand reporter. Mai 68 éclate, Patrick Chauvel s’engouffre dans cet élan révolutionnaire et rejoint un groupe anarchiste, les « Katangais ». Il participe aux manifs malgré le fait qu’il travail pour un journal mais l’appel d’une « cause » est trop fort. Il est tabassé en règle par les forces de l’ordre lorsqu’il est interpellé, au centre de tri de Beaujon. En convalescence chez ses grands-parents, Jean Chauvel ne l’entend pas de cette oreille et exhorte son petit fils à reprendre la lutte, rappelant à celui-ci le passé résistant de la famille. Sa mère, son père, son grand-père… « « Va les rejoindre, ne reste pas là. » Je ne me le fais pas dire deux fois. Je boite le plus vite possible vers cette fête bagarreuse, envoyé par mon grand-père ambassadeur certes, mais la diplomatie parfois… » (citation tiré de Rapporteur de guerre) Il est de nouveau blessé et envoyé à l’hôpital, la fois de trop pour France-Soir qui le remercie. S’ensuit la guerre qui lui révélera sa mission, témoigner, pour qu’on ne puisse plus dire « je ne savais pas » comme en 45.