Article 24 de la loi de sécurité globale : La République en marche… arrière ?

Depuis quelques semaines, la loi de sécurité globale cristallise l’attention. Loi liberticide pour certains ou nécessaire pour d’autres, elle ne laisse personne insensible. A tel point que le président de La République, Emmanuel Macron, a décidé, lundi 30 novembre, de sa réécriture par la Commission des lois de l’Assemblée Nationale. Retour sur ce feuilleton qui agite la majorité depuis maintenant près de trois semaines.

C’est un conflit dont Emmanuel Macron se serait bien passé. Depuis l’adoption de la loi dite de sécurité globale et son article 24 par l’Assemblée Nationale le mardi 24 novembre, la majorité s’entredéchire. Pire, elle se divise. Les députés LREM n’hésitant pas à exprimer leurs différents points de vue dans la presse nationale. Entre ceux qui le soutiennent, ceux qui s’y opposent et ceux qui s’abstiennent, difficile de s’y retrouver. 

LREM et les rebelles de l’aile gauche

Représentée par le mouvement social-démocrate « Territoires de Progrès » et l’association parlementaire « En Commun », l’aile gauche de LREM fait de la résistance. Pourtant censés soutenir cet article 24, certains parlementaires n’hésitent pas à sortir du silence pour exprimer leur désaccord. Considéré comme des frondeurs par l’aile droite de la majorité présidentielle, ces députés clament haut et fort leur opposition à l’article 24. La diffusion d’une vidéo montrant le tabassage d’un producteur de musique par quatre policiers semble leur donner raison. Devenue virale, elle encourage les frondeurs dans leur démarche.  

Par le biais de son plus emblématique représentant, Hugues Renson, l’aile gauche du parti présidentiel exprime son mécontentement. L’actuel vice-président de l’Assemblée nationale exprime sa crainte quant-à l’adoption de cet article. Dans un entretien accordé au Figaro, il estime « qu’il ne faut pas s’obstiner quand une mesure suscite autant de résistance. » Cette déclaration traduit donc la peur qu’ont certains députés de voir cet article 24 devenir « la loi El-Khomri » du parti présidentiel. Concrètement, que ce texte fasse plus de bien que de mal à Emmanuel Macron et devienne le point noir de son quinquennat.

De l’autre côté, l’aile droite du parti, représentée par Aurore Bergé, n’en démord pas : cet article doit passer. Cette dernière est claire « On ne peut pas donner le sentiment de reculer. » 

Le faux pas du gouvernement 

Pour tenter de calmer les ardeurs des frondeurs, le ministre de l’intérieur, Gerald Darmanin, a proposé au Premier ministre de créer une commission ad-hoc chargée de réécrire l’article 24.  Avec cette suggestion, l’occupant de la place Beauvau a réussi à unifier sa majorité. L’unifier, oui, mais contre lui. S’ils s’opposent sur l’article 24, les députés LREM sont unanimes à l’égard de cette commission : elle porte atteinte au droit du parlement. Aurore Bergé, toujours elle, a déclaré : « Nous ne sommes pas des paillassons sur lesquels on s’essuie ». Même son de cloche du côté du président de l’Assemblée Nationale, Richard Ferrand, qui n’a pas hésité à faire part de son émotion à Jean Castex suite à cette annonce. Vécu comme une humiliation par les membres de la majorité présidentielle, cette commission ad-hoc ne passe pas. 

Macron au charbon

A tel point que le Lundi 30 novembre c’est le président de la République lui-même qui a tranché : l’article 24 sera entièrement réécrit par la commission des lois de l’Assemblée Nationale. Selon le journal Le Monde, le chef de l’État, dans une colère froide, a recadré son ministre de l’Intérieur, lui reprochant son intervention non justifiée dans ce débat.

Oui mais voilà, là-encore, cette réécriture est accueillie de manière très différente par les membres du parti présidentiel. Pour l’aile gauche et l’élu de la Vienne, Sacha Houillé, y renoncer « est une bonne chose » tandis que pour l’aile droite et le député Bruno Bonnell « la majorité recule et cède à la rue. » Ambiance…

Sauf que voilà. Après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, la proposition de loi dite de sécurité globale est maintenant entre les mains du Sénat. Ce dernier est chargé de l’examiner et de, pourquoi pas, lui aussi, la réécrire comme le prévoit la Constitution. Son président, Gérard Larcher, a d’ailleurs rappelé, dans une intervention en date du 1 décembre, qu’ « il il revient au Sénat et à lui seul de l’examiner. »

L’avenir de l’article 24 est plus qu’incertain et son chemin sinueux. Rendez-vous en 2021 pour enfin, connaître l’épilogue de ce feuilleton à rebondissements.

Antoine Tailly