Il était surnommé « le Kennedy à la française ». Décédé des suites du Covid-19 à l’âge de 94 ans, le mercredi 2 décembre, l’ancien Président Valéry Giscard d’Estaing avait un lien très particulier avec l’Amérique. Sa rencontre avec John Fitzgerald Kennedy, président des États-Unis en 1963 marquera sa vie et il deviendra même son modèle.

Tout commence le 20 juillet 1962. Ce jour-là, Valéry Giscard d’Estaing rencontre John Fitzgerald Kennedy à la Maison-Blanche, « le plus beau souvenir » de sa vie. Interviewé par Le Parisien en 2013, il confiera, cinquante ans après l’assassinat de l’ancien président des États-Unis, ses souvenirs.
A cette époque, Giscard d’Estaing est ministre des Finances et des Affaires économiques sous la présidence du général de Gaulle. Il doit gérer les dettes extérieures de la France puisque entre 1943 et 1944, pendant la guerre, le pays a reçu de la part des États-Unis une aide financière pour payer les dépenses de son armée. De Gaulle décide alors de lui accorder sa confiance et de l’envoyer en Amérique. Direction Washington pour une rencontre qui bouleversera sa vie et inspirera sa présidence.
En 1974, lors de l’élection présidentielle, Valérie Giscard d’Estaing voulait incarner le changement, la jeunesse; tout comme l’avait fait quatorze ans plus tôt John Kennedy.
« Les États-Unis me fascinaient. Après la guerre, j’avais suivi les campagnes électorales successives du général Eisenhower, en 1953 puis en 1956. »
Mais la campagne dont il s’était le plus inspirée était celle de John Kennedy. Le président avait réussi à faire basculer l’élection présidentielle, défiant Richard Nixon en 1960. En face de lui, ce jeune président symbolisait la nouveauté. En 1974, V. Giscard d’Estaing s’en inspirera, voulant marquer cette rupture, entre l’ancien et le nouveau monde. Alors face à François Mitterrand lors du débat télévisé, Mitterrand, paraîtra trop « vieux » contre un Giscard « jeune » pour les Français.
Le pari était gagné. Au second tour, Valéry Giscard d’Estaing l’emporte avec 425 000 voix d’avance face à Mitterrand. En 1974, il deviendra le plus jeune président de la Ve République, à l’âge de 48 ans, qui n’est pas sans rappeler que son modèle sera lui aussi, à 43 ans, le plus jeune président élu des États-Unis.
Président de la modernité
John Kennedy était son modèle. Alors quand la presse française commencera à le surnommer VGE, il sera flatté puisque de l’autre côté du globe, John Fitzgerald Kennedy avait lui aussi droit à trois lettres en guise de surnom : JFK.
Dès le départ de sa campagne présidentielle, VGE veut casser les codes. Il était passionné par le travail du Président Kennedy et de sa façon d’avoir façonné son image, celle d’un président moderne aux yeux des Américains. Alors pour gagner la présidentielle, il envoie le député Roger Chinaud et le préfet Charles-Noël Hardy aux États-Unis pour étudier le marketing politique, raconte Le Monde.
Giscard était alors le seul à avoir compris l’importance de son image; le seul à s’être entouré d’une équipe de communication. Son véritable atout lors de la campagne. Il n’hésitera pas à faire sa campagne aux cotés de sa famille, se tenant aux côtés de sa fille Jacinthe sur son affiche officielle dans le jardin des Tuileries.

Giscard n’est pas populaire à l’époque. Il y avait « trop de distance, à la fois sociale et intellectuelle, qui le sépare du Français moyen », explique Le Monde. Il fallait donc « réduire cette distance » et se rapprochait des Français. Choisir de ne pas faire campagne seul mais bien main dans la main avec sa famille, à montrer une tout autre image aux Français. Celle d’un président qui est comme eux, qui peut comprendre leurs besoins. Il ira même diner, le 31 décembre 1975, chez Annick et Jean Baschou, des habitants d’Orléans.
VGE a bel et bien une personnalité différente de celle de De Gaulle ou de Pompidou, pouvant parfois interloquer. Qui aurait cru voir à cette époque un président torse nu sur les écrans ? Toujours pour être plus proche des citoyens, il a mis son corps au service de sa campagne. Il veut être un homme politique jeune et dynamique.
Les caméras peuvent s’en donner à cœur joie. VGE à la pétanque, à la piscine, au football… Les journalistes le suivront durant ses premières vacances à Saint-Jean Cap Ferrat, le photographieront avec le président américain, Gerald Ford dans une piscine à Fort-de-France en Martinique, venu pour une visite d’Etat. Comme Kennedy, sa vie sera mise en scène.
Passionné par Kennedy dès qu’il le rencontre pour la première fois en 1961, il le restera. Alors lorsqu’il apprend l’assassinat de John Kennedy, il gardera contact avec sa famille et plus particulièrement avec son épouse, Jackie, qu’il avait rencontrée le même jour. Dès qu’il remettra un pied sur le sol américain, il ne manquera pas de laisser un bouquet de violettes, « la fleur du souvenir » sur sa tombe au cimetière d’Arlington.
« Ni couronne ni ruban : ce n’est pas l’homme d’Etat qui s’exprime, ma démarche est personnelle », confie t-il au Parisien.
Même s’il ne reverra plus John Kennedy, V. Giscard d’Estaing gardera toujours ces souvenirs en mémoire. L’album photo de JFK, offert par sa sœur, Eunice Shriver après sa mort, l’accompagnera tous les jours à l’Élysée; aussi bien que sa petite boite d’allumettes estampillée « Maison Blanche », dérobée lors de leur première rencontre.
Noémie Loiselle
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