Ce mardi, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de deux journalistes demandant à ce qu’il soit ordonné, en urgence, aux préfectures du Nord et du Pas-de-Calais de les autoriser à accéder aux différents sites où il est procédé à l’évacuation de campements sur les territoires des communes de Grande-Synthe, Coquelles et Calais.
« Le photojournaliste Louis Witter et le journaliste Simon Hamy, voulant couvrir les évacuations des réfugiés par les forces de l’ordre à Grande-Synthe et Calais, se sont heurtés aux blocages de policiers qui ont refusé de tenir compte de leur qualité de journalistes. » c’est ainsi que le SNJ (Syndicat National des Journalistes) résume les faits dans ce communiqué de presse, avant d’ajouter « A cinq reprises, les 29 et 30 décembre 2020, ils se sont vu refuser l’accès. De plus, les forces de l’ordre ont utilisé leurs téléphones mobiles pour prendre en photo les pièces d’identité fournies. De quel droit ? Le SNJ, première organisation de la profession, condamne ces pratiques d’obstruction et d’intimidation » ce qui pousse le syndicat à soutenir les deux journalistes dans leur démarche, déposer un référé-liberté au tribunal administratif de Lille. Selon Louis Witter c’est le même scénario qui se répète depuis quelques jours lors des expulsions « pour nous ainsi que pour les associatifs de Human Rights Observers notamment. Tenus à distance des opérations, contrôlés, papiers d’identité photographiés. Ainsi aucune image, aucun témoignage ne sortent. »
Une histoire qui se répète en dépit de la trêve hivernale
Depuis le démantèlement de la « jungle » de Calais en octobre 2016, les autorités de la région se sont données pour mission d’éliminer tous les « points de fixation » des exilés. Le journaliste Paul Ricaud décrit une de ces rondes matinales « En ce petit matin du 24 décembre, les ombres de quatre fourgons de gendarmerie mobile se mettent en place devant le commissariat de Calais. Plusieurs véhicules sont déjà présents : services de nettoyage, police aux frontières, police technique et scientifique, police nationale. Une fois le signal donné, le cortège se met en route. La tournée des expulsions des campements de fortune commence. Afin de dissuader les exilés de s’installer sur les terrains vagues, aux abords des routes ou sous les ponts du centre-ville, les occupants de chaque lieu sont délogés, à un rythme de tous les deux jours environ. » Rythme qui s’adapte au nombre d’exilés présent dans la ville, entre 800 et 1200. C’est cette réalité que les deux journalistes indépendants veulent mettre en lumière :
Non sans mal puisqu’ils doivent ruser pour capturer ces images. Le SNJ rappelle que « l’article 431-1 du Code pénal : « le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende » et « Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent code, l’exercice d’une des libertés visées à l’alinéa prècédent est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. ».
« Ce référé-liberté est tout simplement la traduction dans le droit de notre demande : pouvoir informer »
Simon Hamy et Louis Witter ont déposé cette requête « pour enjoindre les préfets à laisser la presse couvrir les expulsions de réfugiés à Calais et dans le Nord » explique ce dernier sur son compte Twitter le 30 décembre.
Mardi 5 janvier le verdict tombe, le juge des référés a relevé que « lors de l’audience tenue le 4 janvier 2021, les requérants n’avaient fait état d’aucune nouvelle intervention d’évacuation en cours ou à venir, à laquelle ils envisageraient d’assister, et qu’il a été indiqué en défense par les représentants des préfectures du Nord et du Pas-de-Calais que les évacuations étaient terminées. Dans ces conditions, le juge a estimé que n’était pas caractérisée une situation d’urgence justifiant le prononcé de l’injonction demandée par les deux journalistes dans le délai de 48 heures prévu en matière de référé-liberté. »
Pour Me Vincent Brengarth, avocat au barreau de Paris et confrère d’Henry-François Cattoir, conseillers des deux reporters, la décision du tribunal est « une parade pour ne pas avoir à répondre au fond, à savoir l’entrave à la liberté d’informer ».
Lloyd Lefebvre
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