C’était il y a 16 ans jour pour jour. Le 10 janvier 2005, Georget Bernier, alias le Professeur Choron disparaissait, laissant dernier lui une grande tradition de la satire en France. L’humoriste « bête et méchant » comme il se qualifiait a notamment fondé le journal Hara-Kiri en 1960. Et son sarcasme mordant et décapant n’a pas plu à tout le monde. Retour cette folle aventure.

De son vrai nom Georget Bernier, le professeur Choron léguera à sa mort en janvier 2005, la longue tradition du journalisme satirique en France. En 1960, il cofonde avec François Cavanna, le mensuel Hara-Kiri, qui deviendra un hebdomadaire en 1969. Si le but est de créer un journal plus corrosif avec une place importante à l’illustration dessinée, on peut dire que le professeur Choron a relevé le défi.
En à peine trente ans de parution, l’hebdomadaire satirique connaît à deux reprises l’interdiction de publication. Si les Français plébiscitent le journal avec près de 200 000 tirages en 1966, la classe politique reste plus mesurée. Cette même année, la vente d’Hara-Kiri aux mineurs tout comme l’affichage public sont strictement interdits.
Il faut savoir que, par son faible prix d’un franc et son humour grinçant, les étudiants et lycéens le dévoraient à pleines dents. Et l’interdiction vient du plus haut de l’État : c’est Madame De Gaulle elle-même qui demande la censure du titre de presse. Censure levée six mois plus tard par le Premier ministre Georges Pompidou.
Mais les répercussions sont douloureuses. Le mensuel connaît de sérieuses difficultés financières. Après l’interdiction, la société éditant Hara-Kiri dépose le bilan. Choron lance donc une nouvelle maison d’édition, les Editions du Square.
La blague de trop ?
Le 9 novembre 1970, l’ancien président Charles de Gaulle décède. « Merde, il est crevé ce grand con qui nous fait chier ! » s’exclame le professeur Choron. Hara-Kiri se précipite pour préparer la nouvelle couverture qui sortira le 16 novembre prochain. Mais comment annoncer l’événement ? Les journalistes cogitent au siège du journal, rue Choron. Reiser, Wolinski et les autres croquent, froissent, raturent, jusqu’à trouver LA bonne idée. Au milieu des cadavres de feuilles et de la fumée de cigarettes, Bernier sort « Bal tragique à Colombey, 1 mort », en référence à l’incendie d’une discothèque, ayant provoqué près de 150 morts le même jour. Et elle a fait mouche ! La rédaction, euphorique, titre « Bal tragique à Colombey, 1 mort » sans image ou illustration. Sobre. Trouvaille qui n’est pas du goût du ministre de l’Intérieur de l’époque, Raymond Marcelin, qui considère le journal comme « dangereux pour la jeunesse ».
Comme en 1966, le journal est donc interdit à la vente aux mineurs et à son exposition par voie d’affichage. Si l’État censure Hara-Kiri, l’ensemble de la presse défend l’hebdomadaire qui, pour la contourner, fonde Charlie Hebdo, un supplément au journal, d’après le personnage de Charlie Brown esquissé par Georges Wolinski. La censure crée une publicité phénoménale. Dès le premier numéro, Charlie Hebdo est tiré à plus de 100.000 exemplaires. Par manque de lecteur, il s’arrête en 1981.
Criblé de dettes, Hara-Kiri dépose son bilan en 1985, mais Georget Bernier relance le supplément Charlie Hebdo en 1992. C’est la fin d’Hara-Kiri. L’aventure continue, mais sous un autre nom, tout aussi sarcastique et déplaisant. Et le slogan trouvé par son fondateur laisse déjà comprendre la voie prise par le journal : « L’hebdo Hara-Kiri est mort. Lisez Charlie Hebdo, le journal qui profite du malheur des autres ». Le ton est donné.
Benjamin Grischko
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