Le confinement match avec Tinder

Privés de liens sociaux, les Français sont de plus en plus nombreux à se convertir à l’application de rencontre Tinder, allant parfois même jusqu’à développer une sorte d’addiction pour le “swipe”.

Fermeture des restaurants, des bars, et des boîtes de nuit, gestes barrières obligatoires, et maintenant couvre-feu à 18 heures…Depuis le début de l’année, les Français ont étonnamment bien accueilli les multiples prérogatives du  gouvernement. Elles ont pourtant en commun ce terrifiant objectif d’effacer les liens physiques entre les individus. Encore aujourd’hui, les Français sont appelés à la raison: s’ils sont privés de sortie, c’est au nom de la santé publique !

Dans son article Strength of weak ties, le sociologue Mark Granovetter nous rappelle pourtant l’importance des “liaisons faibles”, ces rencontres furtives qu’il nous arrive d’avoir dans la rue en demandant l’heure, ou en bousculant un.e inconnu.e. L’auteur va même jusqu’à affirmer que ces liaisons sont plus importantes encore que celles que nous entretenons avec nos proches, amis et familles, en ce qu’elles « nous rendent davantage capables de circuler entre différents groupes sociaux« . Il n’est alors pas surprenant de constater une baisse de moral générale face à l’absence de contacts brefs et rafraîchissants. Mais comme toujours lorsqu’il fait face à un nouvel environnement, l’homme s’adapte et trouve des solutions.

Tinder: la solution des jeunes face à l’isolement 

“Je me suis mise sur Tinder parce que ça me manquait de ne plus vivre d’histoires dehors et de rigoler avec des inconnus” confie Juliette, une jeune étudiante qui a installé pour la première fois Tinder suite au deuxième confinement. “J’ai toujours critiqué les sites de rencontre en ligne, parce que je trouvais pas ça très naturel, mais quand on a pas le choix…” soupire-t-elle. 

Le 29 mars, l’application a enregistré un record mondial de 3 milliards  “swipe”

Juliette est loin d’être un cas isolé. Selon les chiffres révélés par Tinder, l’application compte plus de 6.6 millions de membres abonnés, dont plus de 50% sont des étudiants. L’étude montre également que les conversations quotidiennes ainsi que leur durée ont augmenté de 23% en mars (soit le début de premier confinement) par rapport à février. Cette année, l’application a même enregistré son record de “swipe”, c’est-à-dire le fait de liker ou non un profil. 

Le “swipe” qui devient compulsif

Si la corrélation entre l’isolement et l’utilisation de l’application ne fait aucun doute, elle ne permet pas d’évaluer la satisfaction apportée par ces rencontres virtuelles. “Souvent quand je match avec une personne, je ne prends même pas la peine de lui parler” confie Inès, familière de l’application.  Malgré les efforts mis-en-place par Tinder pour rendre les contacts plus « réels » (fonctionnalité “vidéo chat”, option passeport qui permet de discuter avec des membres qui se trouvent dans une destination choisie  par l’utilisateur), l’application ne semble pas forcément répondre aux attentes des utilisateurs. 

Au contraire, elle semble renforcer un manque, et développer des comportements frénétiques: “il m’est arrivé de swiper une heure sans m’arrêter, comme si j’étais une zombie qui attendait juste d’entendre la petite notification d’un match” confie Inès. Pour pallier cette tendance et réduire le “swipe inutile”, l’application propose désormais une personnalisation des propositions de profils, établie selon l’historique des likes… mais cette fonctionnalité est évidemment payante.

Contre toute attente, la meilleure solution reste celle de ranger le portable et de partir à l’aventure… Mais sans possibilité de sortie après 18h, difficile de décrocher le pouce du téléphone.

Emilie Cordier