25 ans après les faits, le procès de l’affaire Karachi a enfin commencé lundi 18 janvier. Edouard Balladur et François Léotard, respectivement ancien Premier ministre et ex-ministre de la Défense au moment des faits, sont jugés pour « complicité d’abus de biens sociaux. » Retour rapide sur ce scandale d’État.
8 mai 2002. Un attentat suicide vient d’avoir lieu dans la ville de Karachi au Pakistan. Dans ce bus piégé, on dénombre 14 morts. Parmi eux, 11 Français. Tous travaillaient pour la direction navale des constructions (DCN). D’abord, les enquêteurs privilégient la piste terroriste. Les soupçons se portent sur Al Quaïda. L’organisation créée et dirigée par Ousama Ben Laden est très active dans le monde. Pourtant, en 2009, après sept ans d’enquête infructueuse, le juge d’instruction Marc Trévidic émet des doutes. Pour lui, ce n’est pas une attaque terroriste mais plutôt un règlement de comptes sur fond d’argent sale. Cet attentat serait lié au non-versement de commission.
Entre doutes et incertitudes
Pour tout comprendre, il faut remonter en 1993. La France passe plusieurs contrats d’armements. L’un d’eux porte sur la fourniture de sous-marins au Pakistan via la direction navale des constructions. Pour mener à bien cette opération, le gouvernement a recours à des intermédiaires. Pratique parfaitement légale à l’époque. Ces derniers perçoivent une commission de 33 millions de francs. Ils encaissent 85% de cette somme.
C’est là où la justice entre en jeu. Pour elle, une partie de cet argent est revenue en France. Il aurait servi à financer la campagne présidentielle du premier ministre de l’époque, Edouard Balladur. Au total, cela représente plus de 10 millions de francs. Selon la justice française, tout cela a été déposé sur le compte de l’ex Premier ministre. On évoque alors un système de rétrocomissions. Lui, se défend et clame son innocence. Cette somme correspondrait, selon ses dires, aux bénéfices de ventes de pins et de t-shirts.En 1995, il perd l’élection présidentielle. Jacques Chirac est élu président. Il décide de mettre fin aux commissions pakistanaises. Huit ans après, l’attentat de Karachi se produit.

Un procès historique
Mais la défense de l’homme politique est mise à mal par la justice elle-même. En octobre 2019, elle condamne 6 proches de l’ancien Premier ministre. Parmi eux, les très médiatiques Thierry Gobert et Ziad Takieddine écopent de 5 ans de prison ferme. Pour la première fois dans l’histoire de la Vème république, les juges considèrent que la campagne présidentielle de 1995 a été financée avec l’argent de la vente d’arme. Ces condamnations n’entachent en rien la détermination de l’ex Premier ministre. Bien décidé à démontrer son innocence.
Dès l’ouverture de son procès, Edouard Balladur donne le ton. Il veut que l’on emploie plus souvent le subjectif pour parler de cette affaire. Jusqu’à preuve du contraire, l’homme politique est présumé innocent. François Léotard est, quant-à lui, plus évasif. Face aux juges, l’ex-ministre de la Défense semble moins à l’aise. 25 ans, ça fait loin. Il ne se souvient plus très bien.
Ce procès est exceptionnel. Au-delà de la couverture médiatique, le passage pour les accusés devant la Cour de justice de la République est inédit. En effet, c’est la seule juridiction compétente pour cette affaire. Elle est habilitée à juger des membres du gouvernement pour les actes illégaux commis dans l’exercice de leur fonction.
Les juges rendront leur verdict le 19 février prochain. Il signera, peut-être, le dénouement d’une affaire qui dure depuis 25 ans.
Antoine Tailly
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