Télérama : le magazine culturel de référence

Véritable symbole de presse culturelle française depuis son lancement au début des années 50, le magazine Télérama se porte toujours aussi bien. Sa bonne santé, il la doit à ses critiques exigeantes, son lectorat fidèles et ses valeurs de gauche.

Iconique. C’est par ce terme que l’on pourrait qualifier le magazine Téléréma. Depuis sa création en 1950 par Elia Sauvageot, le père Boisselot et Georges Montaron, l’hebdomadaire connait un succès impressionnant. Dès son lancement, la formule fait mouche. Cinq ans après, il est tiré à 75 000 exemplaires. S’il n’a pas fallu longtemps pour trouver la bonne recette, c’est une autre histoire pour le nom. En effet, le magazine n’a de cesse de changer de titre.  Après s’être appelé Radio-Loisirs, Télévision-Radio-Cinéma ou encore Radio-Télévision-Cinéma, le journal trouve enfin le nom qui lui convient et qu’il ne quittera désormais plus : Télérama. Contraction syllabique de télévision, radio et cinéma, il traduit son ambition de rendre compte des événements culturels. Mais Télérama ne s’arrête pas là, il a d’autres cordes à son arc. Pour se démarquer de ses concurrents, il se diversifie et ne cantonne pas au rôle de simple guide culturel. C’est pourquoi, il rajoute, à l’intérieur de ses exemplaires, des rubriques telles que le courrier des lecteurs, des reportages, de la musique ou même des débats. 

Télérama n’est donc pas un simple magazine télé que l’on achète pour connaitre le programme de la semaine, non. Télérama, c’est bien plus que ça.

Le symbole de la culture 

Avec cette formule à succès, le journal arrive à se faire une place dans le milieu culturel. Mieux, il en devient un de ses plus grand représentants. Chaque semaine, sa rédaction s’occupe de décrypter l’actualité de ces différents médias via des critiques toujours aussi croustillantes. Qu’elles soient littéraires, cinématographiques ou musicales, chacune fait la force du magazine.  Souvent sévères, parfois justes et rarement élogieuses, elles donnent un aperçu au lecteur de ce qui l’attend. Avec un style singulier, tranchant et Ô combien efficace, l’hebdomadaire s’impose comme LA référence en matière de presse culturelle. Son système de notation des « T », utilisé pour évaluer la qualité d’un programme, fait des émules. Allant de 0 à 3, ces « T » influencent le comportement du lecteur. Combien de téléspectateurs ont choisi leur film du soir en fonction des critiques vues dans Télérama ? Tous ces éléments donnent au magazine une image de presse exigeante. Son lectorat ne s’y trompe pas et la formule fonctionne à merveille. A tel point qu’il est tiré à plus de 600 000 exemplaires semaines dans les années 90 ! 

L’autre force du magazine réside dans le fait qu’il arrive à créer un sentiment d’appartenance très fort avec ses lecteurs. Peu de journaux peuvent se targuer d’avoir un lectorat aussi fidèle. Au fil du temps, on s’aperçoit que ce dernier est toujours présent malgré les changements de formule et de direction. 

Acheter Télérama, ce n’est pas seulement acheter un simple journal, non, c’est aussi acheter autre chose. Au fil des années, il développe une image de magazines plaisant surtout aux CSP+ et professions intellectuelles. Cette image, il la doit sans doute aux personnes qui composent la majeure partie de son lectorat : les enseignants. Souvent en adéquation avec les idées et les valeurs prônées par l’hebdomadaire, ce corps de métier contribue à sa renommée et à son succès. Lire Télérama, c’est développer une curiosité et un savoir à toute épreuve. Ses rubriques, diverses et variées, comblent la soif de connaissances de ses lecteurs. Avec Télérama, la culture n’a plus de secret. On aime s’afficher avec. C’est sans doute pour cela que certains voient en ce journal un symbole d’élitisme, voire de snobisme. La création du Festival Cinéma Télérama en 1998 et son association avec le prix littéraire de France Culture en 2006 ne font que renforcer cette image. Qu’importe, le succès est toujours au rendez-vous. 

De gauche catho à gauche bobo 

Pourtant, si la tranche d’âge de son lectorat reste sensiblement la même ( aux alentours de 50 ans ), son image évolue. On passe de cathos à bobo. Du catéchisme à l’humanisme.  Fabienne Pascaud, rédactrice en chef, le confesse sans problème : «   A part moi, plus personne ne va à la messe tous les dimanches. » Elle est bien loin l’époque où les pères contrôlaient ce journal. Pour certains, le journal est désormais le symbole des « bobo-écolo » C’est notamment le point de vue de David Angevin, ancien journaliste du magazine, qui, dans son roman intitulé « Boborama », dresse un portrait humoristique de ses anciens collègues en écrivant « qu’ils voient en José Bové le nouveau Che Guevara » ou « qu’ils soutiennent des régimes autoritaires, tant qu’ils sont anti-impérialistes. » En ce sens, l’idéologie du magazine n’a pas vraiment changé. L’un de ses créateurs, Georges Montaron, fut un ardent défenseur des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et une figure de l’anti-impérialisme, quel qu’il soit. Télérama reste donc, malgré tout, un journal de gauche. Cependant, il traduit à lui seul la gauche plurielle. Cette gauche qui, au lieu de s’unir et s’entraider, préfère tirer à boulet rouge sur quelques différents idéologiques.

S’il a été racheté par le groupe Le Monde en 2003, l’hebdomadaire e a su garder son identité propre. Les chiffres le prouvent. Avec une moyenne de 479 000 exemplaires vendues par semaine, il fait figure de trublion dans un monde de la presse écrite en crise. Son prix de 3 euros l’unité lui permet d’être accessible à toutes les bourses, ou presque. C’est pourquoi Télérama n’est pas vraiment l’étendard du snobisme, mais plus celui d’une tentative de démocratisation culturelle.

Pour autant, s’il cartonne en version papier, le magazine n’en oublie pas pour autant de passer au numérique. C’est ainsi, qu’en 2019, l’hebdomadaire a lancé son application mobile « Télérama TV » Là où la plupart des journaux donnent accès à leurs contenus payants, le magazine culturel a fait un autre choix. En effet, il donne une liste de programmes à regarder, sur les chaines gratuites et payantes. Pour la rédactrice en chef « on revient aux origines, en étant un guide culturel. »  Cependant, les fameuses critiques qui ont fait la renommée de l’hebdomadaire sont, quant-à-elles, payantes. Reste donc à savoir si Télérama réussira à relever le défi numérique aussi brillamment qu’il l’a fait avec la presse papier.  

Antoine Tailly