Le 6 février 1952, le roi George VI, père d’Elizabeth II, actuelle reine du Royaume-Uni, disparaît. Il est l’homme qui, un 3 septembre 1939, prononce le discours qui va changer l’histoire du Royaume-Uni. Le pays entre en guerre contre l’Allemagne. Retour sur l’histoire d’un roi qui a dû surmonter son bégaiement et montrer la voie pour sa nation.

Rien ne destinait Albert, le futur roi George VI, pour ce moment. Il est le cadet de la famille royal. Enfant réservé, il suit une éducation stricte. Il est forcé de porter des attelles douloureuses pour corriger la position de ses genoux. Gaucher, il est obligé d’écrire avec son autre main et il se rend souvent à l’hôpital pour ses problèmes digestifs. Encore plus handicapant pour un garçon issu d’une famille célèbre et médiatisée, il bégaie. Depuis ses 8 ans, parler est une torture et même une humiliation. Être bègue, c’est hésiter sur les mots, répéter les syllabes mais aussi souffrir de manque de confiance en soi. Il est colérique, fait des crises de larmes, des comportements qui le suivront tout au long de sa vie.
Traitement de son bégaiement
A cause de son handicap, la population, sa famille et la presse se moquent. Ce n’est qu’après avoir rencontré sa femme Elizabeth Bowes-Lyon en 1920 et prononcé son discours de clôture de l’exposition impériale britannique de Wembley, particulièrement humiliant, en 1925, qu’il se décide de prendre des cours pour améliorer son élocution. Même s’il n’est pas la figure importante de la famille Windsor, il est amené à s’exprimer en public à plusieurs reprises, depuis 1920, lorsqu’il devient duc d’York. Il fait alors appel à Lionel Logue, orthophoniste australien peu conventionnel. « Je peux vous soigner. Mais il vous faudra fournir d’énormes efforts. Sans ces efforts, je n’y arriverai pas », explique l’homme au duc, malgré sa réticence au départ au vu de l’âge avancé d’Albert.
Des méthodes particulières
Le duc se rend plus de 82 fois en une année au cabinet de Lionel Logue. Séances qui lui coûteront 172 livres soit 11.000 euros. Les progrès sont plutôt lents mais ont le mérite d’exister. Les méthodes employées par l’orthophoniste sont assez particulières. Rien ne prouve cependant qu’il devait prononcer des gros mots à tue-tête comme montré dans le film primé Le Discours d’un Roi. Lionel Logue prescrit en réalité des exercices vocaux pendant une heure chaque jour pour permettre la coordination du larynx et du diaphragme ; lui fait répéter des virelangues, ces phrases difficiles à prononcer mais aidant à l’articulation. Le roi doit débiter deux phrases en particulier : « Let’s go gathering healthy heather with the gay brigade of grand dragons » et « She sifted seven thick-stalked thistles through a strong, thick sieve ».
Le discours du roi
Les hésitations disparaissent peu à peu avec les exercices de Logue. Heureusement, puisqu’en décembre 1936, son frère Edouard VIII abdique. Albert devient malgré lui George VI, roi du Royaume-Uni. Désormais, il ne peut plus échapper aux discours. Ils font partie de son rôle de monarque. Le moment de convaincre arrive. Lionel Logue est appelé en catastrophe le 3 septembre 1939. Le roi doit s’exprimer à 18 heures et annoncer l’entrée officielle du pays dans le conflit aux côtés des Alliés. Même si le roi a déjà prononcé divers discours avant cette date, là, tout est différent. Quand le roi appelle à la mobilisation à la radio, il faut que le message soit convaincant, que la voix soit claire, que les paroles soient comprises dans toute leur entièreté et toute leur gravité.
Le thérapeute s’approche du roi pour lui murmurer la phrase qui lui donnera du courage « Now take it quietly, Sir » (Calmement, Votre Majesté). Il inspire, expire, fixe son texte puis le micro et les mots sortent de sa bouche : « Il y a quatre ans, notre nation et notre empire se retrouvaient seuls face à un ennemi écrasant, dos collés au mur ». Il continue. Les hésitations sont rares, la prononciation parfaite. Le roi a réussi. Les esprits
s’échauffent et la nation est prête à se battre contre l’opposant. Tout commence avec des paroles, un discours posé, bien amené et une voix claire qui s’adresse à son peuple.

Community Centre. Source : Fox Photos/Getty
Une épreuve de plus : la guerre
La guerre sera un moyen de montrer la force du souverain à la population. Etant lui-même ancien officier de tourelle sur le navire HMS Collingwood durant la Première Guerre Mondiale, il sait ce que la guerre implique. Le 7 septembre 1940, Londres est bombardée, il y a des centaines de victimes. Six jours plus tard, le 13 septembre, ce sont deux bombes qui s’écrasent dans la cour de Buckingham alors que George VI est présent. La famille royale rend aussi visite aux soldats, aux travailleurs des usines d’armement et aux habitants, et est traitée de la même manière que le reste du pays. Rationnement, pas d’eau chaude, pas de chauffage. La vie est dure, mais le Royaume-Uni surmonte l’épreuve.
Le roi marquera les esprits des Anglais et se distinguera par sa force de caractère et sa foi en l’avenir. Jusqu’à sa mort de maladie à 56 ans, il dirigera avec honneur et montrera que l’on peut tous surmonter l’insurmontable.
Margaux Chauvineau
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