Les opéras gagnent les petits écrans

Période fatale pour le secteur de la culture qui se trouve exclue des “besoins de premières nécessités » en cette crise sanitaire. Fermés au public depuis le 30 octobre, certains opéras n’ont pourtant pas dit leur dernier mot, allant jusqu’à diffuser leurs représentations en ligne. 

Remplacer la scène par l’écran, c’est aujourd’hui possible, n’en déplaise aux puristes de l’opéra.On a pu se réinventer par la captation et la diffusion. On est sur une alternative web et complémentaire TV” explique Alice Bloch, responsable de l’opéra comique de Paris. Sans aucune visibilité quant à une potentielle réouverture, la dématérialisation des représentations s’est ainsi présentée comme l’unique solution pour faire survivre le spectacle vivant: “Ce n’est pas notre corps de métier.(…)Il ne faudrait pas que ça prenne le pas sur le spectacle vivant” explique la responsable, dans la salle vide de l’opéra. 

Alice Bloch, responsable de l’Opéra comique de Paris

Il faut pourtant avouer que le visionnage en ligne a ses avantage: sans limite de places, et avec des prix parfois très attractifs (en moyenne entre 7 et 12 euros), il est même parvenu à gagner le cœur d’un nouveau public: “la démarche d’aller à l’opéra et les codes auquel il renvoie peuvent parfois être intimidants. Avec internet, c’est plus facilement et immédiatement accessible aux jeunes générations” confie Alice. 

Mais cet engouement pour le streaming n’est pas partagé par tous. De nombreux amateurs regrettent le temps du parquet qui craque, et des applaudissements en fin de représentation. “Je n’irai pas voir sur internet quelque chose que j’adore voir en vrai” déclare une jeune Parisienne au bas des marches de l’opéra Garnier. Et elle est loin d’être la seule. Les seniors, loin d’être familiarisés avec ces nouveaux outils digitaux, n’ont pas forcément les moyens de se connecter: “je ne suis pas un grand féru d’informatique” admet un retraité, qui s’impatiente d’un retour à la normale.

Sans compter les compositeurs et artistes, frustrés de voir leurs événements annulés, et remplacés par de simples vidéos en ligne. “C’est difficile car ça faisait plus d’un an que je travaillais dessus” soupire Zad Moultaka, plasticien et compositeur libanais, dont la pièce à l’opéra de Strasbourg est repoussée de 3 ans. Malgré les propositions, il a quant à lui refusé toute diffusion sur les plateformes: “Le son de l’écran ne remplacera jamais le rapport avec le public, avec la salle, l’acoustique”.

Préparation pour une diffusion dans la salle de l’Opéra comique de Paris

Pourtant, selon Alice Bloch, il arrive parfois que la production vidéo rende parfois service aux œuvres. “Pour le spectacle Piton, qui faisait appel à des marionnettes, des vols dans l’espace, des souffleries etc, l’image et les plans de coupe ont été très bénéfiques”

Si la décoration IKEA de nos salons ne remplace donc pas l’ambiance feutrée de l’opéra, la diffusion en ligne reste à ce jour la seule échappée culturelle que les Français peuvent apprécier.

Emilie Cordier