Débat entre Darmanin et Le Pen : plus amis qu’ennemis ?

Alors que le projet de loi contre le séparatisme est actuellement débattu à l’Assemblée Nationale, Gérald Darmanin et Marine Le Pen se sont affrontés hier soir sur ce thème. Au fil de la soirée, les divergences ont laissé place aux convergences.

C’était l’événement de la soirée. Hier soir, l’émission de France 2 « Vous avez la parole » a organisé un débat sur le thème du séparatisme islamiste. Pour ce faire, la chaine du service public a fait appel à Gérald Darmanin et Marine le Pen. Le ministre de l’Intérieur contre la présidente du Rassemblement National ( RN ) . La droite extrême contre l’extrême droite. Cet échange, on peut le résumer en trois partie : Islam, voile et immigration. Toujours les mêmes sujets, toujours les mêmes paroles.

 » Il faut prendre des vitamines, vous n’êtes pas assez dure »

Comme attendu, le débat entre les deux politiques est tendu. Certaines propositions énoncées par la candidate du Rassemblement National donnent lieu à une bataille féroce. C’est le cas lorsque cette dernière évoque son intention de supprimer le droit du sol. Selon elle, il est bien trop léger. Tout le monde peut y accéder. Pourtant, comme le rappelle le ministre, il faut bel et bien attendre cinq ans pour pouvoir y prétendre. Cette querelle est loin d’être la seule. Le sort des terroristes étrangers en est la preuve. Pour la présidente du RN, il faut les renvoyer dans leur pays d’origine. Si ce dernier ne veut pas, alors il faut les garder en centre de rétention. « Pour combien de temps ? » rétorque Gérald Darmanin, interloqué par ces propos.  Énervée par cette question, Marine le Pen reste évasive et continue dans l’invective. 

Le premier flic de France a, quant-à lui, le ton plus calme. Pour autant, cela ne l’empêche pas d’être incisif. Comme lorsqu’il lance « Mme Le Pen, dans sa stratégie de la dédiabolisation, en vient à être dans la mollesse. Il faut vous prendre des vitamines, vous n’êtes pas assez dure, je trouve« . Ébahie par ce qu’elle vient d’entendre, Marine le Pen monte au créneau et se défend. Elle réplique que « l’Islam est bien compatible avec la République.» Comme quoi, tout arrive. En effet, sur le thème de l’islam, le parti d’extrême droite tente de redorer son image. La dédiabolisation continue. Cette position, la candidate RN aux dernières élections présidentielles, la tient depuis 2016. Alors, sincérité ou stratégie politique ?

« J’aurais pu signer ce livre » 

En dehors de ces différents, un autre enseignement est à tirer du débat. S’ils ne sont pas amis, les deux politiques ne sont pas pour autant ennemis. Les points de désaccord ont, parfois, laisser place aux points communs. D’ailleurs, la députée du Pas-de-Calais ne s’en cache pas. Dès le début du face-à-face, elle met les choses au clair. Lorsqu’elle évoque le livre du chef de Beauvau, elle déclare, sans sourciller : « J’aurais pu le signer, ce livre. » Comme le souligne Léa Salamé, cette petite phrase ressemble plus à un « baiser de la mort » qu’autre chose. Visiblement gêné, Le ministre de l’Intérieur préfère répondre par l’humour. En effet, déjà accusé de faire le jeu du RN depuis qu’il est en place, cela n’arrange en rien ses affaires. Si l’ancien maire de Tourcoing pensait que ce débat allait l’aider à se détacher de cette image, c’est raté. Sa volonté de se se positionner comme LE rempart contre l’islamisme renforce cette impression. En se montrant plus ferme que la présidente du Rassemblement National sur ce point, il contribue à la dédiabolisation par procuration du parti frontiste. Marine Le Pen, elle, a saisi l’opportunité de montrer qu’elle est bien « présidentiable » et que son débat complétement manqué de l’entre-deux-tours appartient au passé. Même si ses sorties virulentes sur le voile et les immigrés rappellent qu’elle est bel et bien à la tête d’un parti d’extrême droite.

A la fin de la soirée, le flou persiste. Englué dans des batailles de chiffres, ce duel est apparu assez brouillon. Une chose est sûre : le séparatisme n’a pas fini d’alimenter les débats.

Antoine Tailly