Alors que les remontées mécaniques sont fermées et ne devraient pas rouvrir en mars, les loueurs vivent une saison difficile. Exit le ski de piste, ce sont les sports dits « nordiques » qui sont plébiscités. Mais malgré un léger engouement, ces activités ne permettent pas de compenser les pertes.
Sans les monos branchés, les steaks frites hors de prix et les files d’attente trop longue, la station de Puy-Saint-Vincent paraît bien terne. Une pauvre petite cabane à burger propose de la vente à emporter au milieu de restaurants fermés. Seules quelques luges se battent en duel avec le peu de skieurs licenciés à la fédération et autorisés à utiliser l’unique remontée mécanique qui fonctionne. Dans cette petite station familiale des Hautes-Alpes, et comme partout ailleurs, il est toujours permis de louer du matériel et de pratiquer. Le jardin des piou-piou est aussi ouvert pour les enfants. Les dameuses marchent la nuit et les canons à neige tonnent si nécessaire. Mais les autres skieurs se débrouillent seuls pour avoir le droit à une nouvelle descente. Ils remontent, à pied, ou en voiture. Et n’auront pas le droit aux secours en cas d’accident. Drôle d’époque.
« 60 à 70 équipements de piste loués cette année »
Ça n’empêche pas quelques irréductibles de prendre leurs responsabilités, comme Maxime. « J’ai essayé le snow en remontée manuelle » sourit-il, dans un éclat de rire trahissant son amertume. Stéphane Blein, le gérant des Sport 2000 de la station, révèle avoir loué « 60 à 70 » équipements de piste. Une misère, compte tenu des 1700 paires de ski à disposition dans ses trois magasins. Deux sont d’ailleurs fermés pour limiter les pertes.

« On travaille avec 95% de touristes. Mais cette année, il y a 3 à 4 fois moins de monde » constate le gérant, accoudé à son comptoir, à peine visible derrière son masque et son bonnet vissé sur sa tête. Malgré un fond de solidarité de 10 000 euros, il a embauché ses salariés à temps partiel tout en baissant leurs revenus. L’ambiance n’est pas très différente chez le concurrent Skiset. Un seul magasin sur trois a ouvert ses portes : celui au pied des pistes, en face d’un télésiège tristement immobile. Là aussi, le gérant, Samy Chaud, avoue avoir « réduit la masse salariale et repris uniquement quatre employés sur dix » avant de pester : « On est ouvert pour faire plaisir ! »
Un manque à gagner énorme pour les loueurs
Les vacanciers se rabattent donc sur d’autres pratiques. Ski de randonnée, ski de fond, skating, raquettes… Le choix n’est finalement pas si restreint quand on met l’opulent ski alpin sur le bord de la touche. D’après Stéphane Blein, « les activités nordiques explosent. » Les ruptures de stock sont même fréquentes. Surtout pour le ski de randonnée, plus populaire que ses cousins.
« Ces sports ne remplaceront jamais le ski de piste »
Seulement voilà : ces sports ne permettent pas de compenser les pertes. « Une paire de ski de fond se loue en moyenne 10 à 12 euros la journée contre 25 à 30 euros pour les skis de piste » calcule le gérant de Sport 2000. Et dans son magasin, il ne possède que 120 équipements de fond. Même son de cloche chez Skiset : 700 paires pour la piste contre 150 équipements nordiques. Les loueurs, de leurs propres aveux, ne peuvent pas faire le chiffre d’affaires habituel malgré un enthousiasme nouveau pour ce type d’activités qui offrent généralement de superbes panoramas. L’idéal, avec des températures avoisinant les 10 degrés en cette fin de mois de février. Mais devant le magasin, Isabelle, la mère de Maxime, concède froidement et sûre de son fait : « Ça ne remplacera jamais le ski de piste. »

Anticiper la situation était impossible
Depuis le début de la saison, les loueurs avancent à vue. En décembre, ils ont appris que les stations n’ouvriraient pas lors des vacances de Noël. Lors de la concertation du 7 janvier, la décision est repoussée à la fin du mois. Pour finalement apprendre que les remontées resteront fermées jusqu’en mars. « On n’a jamais pu anticiper », déplore Stéphane Blein, qui n’a pas souhaité proposer de nouvelles activités cette année, bien qu’il ait doublé son matériel nordique.

Samy Chaud, lui, n’a pas pu commander de nouveaux équipements car il a été « mangé au jour le jour. » Il n’empêche : le gérant du Skiset a tout de même développé des partenariats. Cette année, son magasin propose de la course d’orientation, du trail sur glace, du vélo sur neige et même de la sylvothérapie en raquette, pratique qui vise à réduire le stress et la tension artérielle en câlinant les arbres. « On a de bons retours, mais on a fait ça pour proposer des activités plutôt que pour renflouer les caisses » reconnaît-il avant d’ironiser avec l’un de ses rares clients : « On s’ennuie, on ne sait pas quoi faire, venez échanger votre matériel ! »
Mathieu Alfonsi
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