De pirate à animateur préféré des britanniques, John Peel était un grand aventurier du monde de la musique, pionnier des tendances rock, punk et expérimentale. Retour sur plus de 30 ans de carrière.

Jamais quelqu’un impliqué avec la BBC n’aurait cru possible que John Peel, le DJ pirate de 27 ans, poilu, timide et éduqué dans les écoles publiques du Wirral, devienne le membre de la nouvelle station radio de la BBC, Radio 1, à la programmation de Top Gear.
Bien avant sa mort prématurée en 2004, John Robert Parker Ravenscroft OBE, plus connu sous son pseudonyme John Peel, était le plus vieux DJ de la BBC Radio 1. Il a remporté de nombreux prix de radiodiffusion pendant ses 30 ans de carrière, faisant de lui un radiodiffuseur légendaire, briseur de codes, dont la réputation publique et l’affection des auditeurs sont inégalées en tant que champion de la nouvelle musique.
Sa carrière à la radio commença à Dallas, aux États-Unis, dans les années 60, alors qu’il suivait son père. Il gagnait péniblement sa vie en Amérique, alors en pleine Beatlemania. Il devient peu de temps après son arrivée DJ pour la radio texane KLIF. Il voulait déjà se différencier de ses contemporains : dans un commentaire pour le New Musical Express sur cette période, il raconte que les États-Unis, à cette période, « étaient remplis de DJ nommés James Bond et qui prétendaient être Anglais, alors qu’en réalité ils étaient des Canadiens cousins de Ringo. Je ne sais pourquoi ils ont choisi Ringo ».
Après un discret passage sur la station canadienne KOMA, John Peel se retrouve de nouveau aux États-Unis sur la station californienne KMEN. C’est ici que le DJ pouvait jouer d’autres chansons que celle des Beatles. La proximité de la station avec Los Angeles lui donne la possibilité de découvrir et de partager dès qu’il pouvait les dernières nouveautés des groupes de rock montants comme The Yardbirds ou The Doors. Il revient à Londres en 1967 ; la légende raconte que le sheriff de San Bernardino avait les DJ rebelles de KMEN dans le collimateur et, ne voulant pas finir en prison, John Peel a réservé un avion pour le Royaume-Uni sous son deuxième prénom.
L’avènement de la contre-culture britannique
Pendant que John Peel profitait du soleil et des plages californiennes, la Grande-Bretagne était en pleine métamorphose culturelle. Les années 60 ont vu l’avènement du rock’n’roll hippie et la naissance de groupes légendaires comme les Rolling Stones, The Move ou encore Pink Floyd. Pour la BBC, la transition fut compliquée ; face à la montée du rock « underground » le média gouvernemental continua pendant cette période de jouer des musiques des années 50 ou 40 plus conventionnelles.
Si la BBC n’allait pas jouer de rock, la jeunesse irait la trouver ailleurs, et John Peel était l’homme de la situation avec la station pirate, Radio London. Il rejoint la station en mars 1967, c’est ici qu’il se fera connaître définitivement sous le nom Peel. Il y débute sa nouvelle émission dédiée à la musique plus obscure, « The Perfumed Garden » (Le Jardin Parfumé). Peel avait une voix effacée, posée, créant un rapport d’intimité avec ses auditeurs, très différent de ses contemporains, plus bruyants et « déchainés ».
Radio London devra fermer ses portes le 14 août 1967, après que la Marine Broadcasting Offences Act entre en vigueur, durcissant considérablement la législation sur les radios pirates. La BBC voulait créer sa propre station pop, et encore une fois, John Peel était là où il le fallait. Il rejoint Radio 1 en septembre de la même année.
Dès lors, Peel présentera une multitude d’émissions, notamment Top Gear avec son collègue de Radio London Pete Drummond, jouant des titres du moment. John Peel préparait pour Top Gear des sessions, The Peel session, dédiées aux artistes à la mode comme David Bowie, ou le Bonzo Dog Doo-Dah Band. Avec Top Gear, John Peel est enfin libre de jouer la musique qu’il veut, sans être sous la pression du gouvernement.
En 1968, la BBC demande à John Peel de présenter une nouvelle émission, nommée Night Ride, semblable à son ancienne émission sur Radio London. Durant la première en mars, Peel annonce que « c’est la première d’une nouvelle série de programme où vous pourrez écouter presque n’importe quoi ». En effet, c’est sur Night Ride que John Lennon et Yoko Ono y ont diffusé un enregistrement cassette du battement de cœur de leur bébé à venir.
Toujours en quête de nouveaux sons et de nouvelles expériences, John Peel continue sa lancée pendant les années 70, accumulant les concerts en direct de Fleetwood Mac, Led Zeppelin, Elton John, Deep Purple, et ainsi de suite. C’est pendant cette période qu’il commence à influencer les tendances musicales. Il diffuse ses premiers titres punks à la radio en 1976, à la fin de chaque émission de Top Gear. Le genre gagne rapidement en popularité grâce aux efforts de Peel. Durant le Noël de la même année, il débute le « Festive 50 » ; un tableau où les fidèles auditeurs pouvaient choisir leurs titres préférés, qu’importe le style ou sa récence. Il est le premier à diffuser du hip-hop et du reggae à la radio à partir des années 80. L’industrie de la musique se rend compte de l’influence de la radio pour promouvoir leur musique, mais John Peel se positionne contre la promotion des groupes musicaux à la radio, préférant donner la parole à des groupes moins connus.
Géant de la radio britannique, John s’est aussi adonné à la radio européenne ; travaillant toujours pour Radio 1,il s’est aussi fait entendre au Pays-Bas sur VPRO Radio3 ainsi qu’en Allemagne chez Radio Eins. Cumulant les récompenses pendant sa carrière, notamment onze titres de « Dj de l’année » du magazine Melody Maker, il continuera ses émissions jusqu’à sa mort prématurée le 26 octobre 2004, à la suite d’une crise cardiaque. Ce jour-là, l’industrie de la musique et de la radio ont rendu hommage à leur camarade, lui qui avait imaginé mourir « enfoncé à l’arrière d’un camion en essayant le lire des noms sur une cassette ». Il existe aujourd’hui plusieurs sites et articles dédiés à John Peel, y compris une encyclopédie en ligne retraçant sa carrière et les personnes qu’il a rencontrés, sobrement appelé « John Peel Wiki » (site en anglais).
Louis DELMOTTE
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