1897 : avec La Fronde, les femmes prennent le contrôle de l’information

A la fin du XIXème siècle, la place des femmes dans la société est encore très précaire et peu présente dans les médias. En 1897, Marguerite Durand, journaliste, décide de changer la donne. Elle fonde La Fronde, un quotidien 100% féminin et féministe. Une première dans le monde.

Le 9 décembre 1897 est une date historique pour le féminisme en France et dans le monde. Le premier numéro du quotidien La Fronde paraît, un journal 100% féminin autant dans sa rédaction que dans sa conception typographique. « Un journal mais pas une revue féministe. Un vrai quotidien, avec toutes les rubriques politiques, culturelles, internationales. Un quotidien de tendance féministe comme tel journal à gauche et tel autre à droite, » c’est la formule qu’utilise Marguerite Durand, fondatrice du journal pour le présenter. « L’idée lui serait venue lors d’un reportage sur le Congrès international des femmes, en 1896 » rapporte l’Irish Times. Elle y rencontre « une fervente activiste » : Maria Pognon, suffragiste, pacifiste, libre-penseuse et franc-maçonne qui lui donne l’envie de créer son propre journal. La Fronde n’est pas un journal de mode, fashion comme il en existe. Sa créatrice Marguerite Durand, ancienne journaliste au Figaro entend montrer que des femmes seules, peuvent apporter une information qualitative sur tous les sujets autant qu’un autre. Preuve de sa réussite par le surnom qui lui est donné : « Le Temps en jupons » mais aussi par son pic de tirage : 50 000 en 1898.

Marguerite Durand, ancienne comédienne et journaliste au Figaro est une figure féministe. Source : Jules Cayron (1868-1940).

100% féminin et féministe.

Très engagée, l’indépendance des femmes et de leur intellect est l’un des projets centraux de Marguerite Durand. Et pourtant, le journal ne se veut pas en guerre contre les hommes, expliquant dans son premier numéro qu’il « ne cherche pour la femme aucun triomphe sur l’homme, ni le pouvoir despotique par la ruse, ni l’identité des sexes » mais « réclame l’égalité des droits, le développement sans entraves des facultés de la femme, la responsabilité consciente de ses actes, une place de créature libre dans la société ». Son seul objectif est de montrer les qualités journalistiques des femmes. Pour cela, Marguerite Durand, s’entoure des meilleures.

À l’automne 1897, elle lance une campagne de recrutement pour les femmes qui se distinguent dans leurs professions. Entre autres : Jeanne Chauvin, la première femme à plaider à la cour en 1901 et Blanche Galien, première femme pharmacienne. Marguerite Durand rassemble ainsi son équipe de « frondeuses » pour tenter de faire bouger les choses. Dans la France du XIXe siècle, presque toutes les activités à l’extérieur de la maison étaient considérées comme suspectes, voire honteuses pour une femme célibataire de la classe moyenne. La Fronde entendait changer radicalement cette tendance.

Une courte longévité

Si La Fronde fonctionne très bien, les finances, elles, ne se portaient pas au mieux. Dès 1903, le quotidien doit passer à une périodicité mensuelle pour finalement devoir tout arrêter en 1905. S’il n’a pas survécu financièrement, c’est aussi parce que La Fronde était en avance sur son temps. Marguerite Durand n’hésitait pas à prendre la plume pour des éditos prônant le divorce, le suffrage féminin et dénonçant le colonialisme. Le titre a tout de même su se faire une place dans la société comme n’importe quel autre. Cécile Torrubia-Besnard, auteur d’une étude sur le journal, le résume comme tel : « Une source d’information non limitée, un lieu de prise de parole, destiné aux deux sexes, cherchant à les réunir, c’est ainsi que nous pourrions résumer La Fronde de Marguerite Durand. »

KEVIN MEZIERE