Le journalisme sportif a souvent été considéré comme un métier pour les hommes. Depuis quelques années la présence des femmes augmente, mais pourtant, elles restent toujours en minorité. Entre misogynie et sexisme, la féminisation du journalisme sportif joue les prolongations.
En France, le journalisme sportif a toujours été catégorisé masculin. Au-delà des statistiques, cette approche se résume à un statut assez simpliste : à l’origine, les acteurs du sport sont masculins. L’émergence récente du sport féminin soulève des distinctions évidentes sous-évaluant la pratique sportive des femmes. Pourquoi distingue-t-on le football du football féminin, alors que l’expression football masculin n’est jamais employée ? Pourquoi dans la ligue de basketball américaine, distingue-t-on la NBA de la WNBA (Women National Basketball Association) ? La pratique même du sport professionnel met en avant les hommes. Les messieurs sont davantage médiatisés. Ils visent un public masculin et par conséquent, l’intermédiaire entre les deux est généralement un homme.

Pourtant, les femmes s’intéressent au sport et à la profession de journaliste sportif. Aujourd’hui, on constate une présence plus élevée des femmes dans les rédactions sportives qu’au début des années 2000, mais cette proportion reste faible. L’Union des Journalistes de Sport en France estime que les femmes représenteraient entre 10% et 15% des journalistes sportifs. Au sein même des rédactions, on dénombre 20 femmes pour 134 hommes aux services des sports de Canal + en 2018. Cette année-là, BeIN Sport compte 12 femmes pour 82 hommes. La féminisation du journalisme sportif reste un phénomène lent.
Pionnière du journalisme sportif sur France Inter dans les années 1980’s, par Hélène Legrais pose un constat sur la situation actuelle: « Je suis désolée de constater qu’aujourd’hui, les femmes journalistes sont cantonnées à certains rôles. Je pense que la société a reculé. Je croyais que l’élan était lancé. Mais en fait, il y a encore beaucoup de travail à faire. J’imaginais qu’en 2018, il y aurait autant de commentateurs que de commentatrices, mais il n’y a qu’à regarder la Coupe du Monde : il n’y aura que des tandems masculins. »
Le journalisme sportif, un environnement misogyne ?
Les femmes redoublent d’efforts pour s’insérer dans ce milieu. Les hommes occupant la majorité des postes, on note une misogynie et un sexisme dans de nombreuses rédactions. Une réalité qui n’appartient pas seulement au passé. En avril 2020, deux ans après son départ de Stade 2, Clémentine Sarlat a expliqué les raisons qui l’ont poussée à partir. Isolée, insultée, critiquée, la journaliste de France Télévisions subissait une pression quotidienne pendant cinq ans : « J’allais à Stade 2 en pleurant. Pour la préparation de l’émission, personne ne me parlait, ils m’avaient mise dans un bureau à part, loin des rédacteurs en chef. Un jour, lors d’un duplex, j’ai entendu dans l’oreillette un homme en régie dire «Tu crois qu’elle suce elle aussi ?» C’est violent. Avec les vieux, dès que je mettais une jupe, j’avais forcément le droit à une réflexion. Je ne veux plus travailler dans une rédac au quotidien où on te discrédite en permanence en t’expliquant que tu n’es pas assez compétente, que t’es là seulement parce que t’es blonde aux yeux verts. »

Ce témoignage est révélateur de la parité dans les médias. Nombreuses sont les femmes qui ont été et sont encore jugées uniquement sur leur physique. Par ailleurs, l’augmentation de la présence féminine dans les rédactions sportives se distingue davantage à la télévision. Au départ, les patrons de chaînes embauchaient uniquement des femmes dans les émissions sportives pour jouer le rôle de la parfaite présentatrice, attirant l’œil d’un public masculin et qui n’apportait pas d’analyses ou d’informations complémentaires. Cette approche a découragé de nombreuses femmes à accepter des postes à la télévision : « On m’a proposé de participer à des émissions. J’ai refusé et posé comme condition de pouvoir me former avant. Comme je n’avais pas de formation de journaliste, j’avais très peur qu’on me fasse faire la potiche », déclare Isabelle Ithurburu, journaliste spécialisée du rugby sur Canal +. Face à cette définition de la journaliste basée sur le physique, les compétences et les connaissances paraissent secondaires alors qu’elles sont l’essence du métier. Une femme doit constamment faire ses preuves pour être prise au sérieux par les autres journalistes et les supporters.

« Nous occupons ces postes car nous sommes compétentes »
Même si elle semble faible, l’accroissement de la part des femmes dans le paysage médiatique sportif symbolise une évolution du métier de journaliste sportif. L’essor des réseaux sociaux a fait exploser le développement de l’information sportive. Aujourd’hui, les supporters ont connaissance de l’actualité sur leur sport, championnat ou club de cœur. Dans une ère où les fake news fusent, le journaliste sportif se doit d’être fiable pour rester crédible. Le public se diversifie et ne s’intéresse pas forcément au sexe de la personne qui distribue l’information. Il fait simplement confiance à son professionnalisme. Le journaliste qui s’impose est celui qui est compétent, qui a dans son arsenal toutes les qualités nécessaires pour réussir dans la profession. Un sentiment partagé par la présentatrice du Canal Sports Club, Marie Portolano : « Je trouve que les femmes ne sont pas en reste en ce qui concerne le sport. Nous n’avons pas le sentiment que la chaîne ait choisi de mettre des femmes à l’antenne pour mettre des femmes. Nous occupons ces postes car nous sommes compétentes, aux yeux de la direction en tout cas. »
Voir une femme parler de sport est on ne peut plus normal pour la majorité aujourd’hui. Que ce soit à la télévision, à la radio ou dans la presse, le sport n’est pas genré et s’adresse à tous. Journaliste sportif ou généraliste, le travail reste le même, que l’on soit un homme ou une femme, comme le précise Estelle Denis, journaliste sportive depuis presque 20 ans : « Qu’on arrête de considérer qu’il y a des jobs pour les hommes ou pour les femmes. D’ailleurs, j’aimerais que l’on dise que je suis «journaliste sportif» sans accorder l’adjectif au féminin. »
Louis Havet
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.