Coluche, le clown politique à l’écran

« C’est l’histoire d’un mec » qui se présente. L’humoriste Coluche est invité sur Antenne 2 pour défendre une sérieuse plaisanterie : sa candidature aux présidentielles de 1981.

« Je propose qu’on vote pour un imbécile qui n’y connaît rien, c’est-à-dire moi ». Lui, Coluche, l’un des humoristiques préférés des Français, qui était avant tout un homme engagé. À tel point que le 30 octobre 1980, il organise une conférence de presse pour déclarer sa candidature aux présidentielles de 1981. Énième blague de l’humoriste ?

Dès le lendemain, les journaux télévisés rapportent la nouvelle, choisissant quelques extraits de cette conférence. Sur les plateaux, qui sont rares à le recevoir, il s’affiche comme le représentant des sans-grades et des modestes. Il est alors l’invité du Crible, sur Antenne 2.

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Le « candidat nul »

Face à Daniel Grandclément, connu pour cuisiner les hommes politiques, Coluche n’est pas ménagé. D’entrée de jeu, on lui demande s’il se prend au sérieux. Quelles sont ses revendications ? Sa candidature n’est-elle pas dangereuse ? Est-il conscient de ses responsabilités ? Moins en maîtrise que sur scène, il bafouille un peu. Surtout au moment d’évoquer son programme, car le comique n’en a pas. Il veut simplement représenter tous ceux que l’on n’entend pas. « Je suis le candidat des revendications des abstentionnistes ».

« CETTE CANDIDATURE EST RENDUE SÉRIEUSE PAR LES MÉDIAS PARCE QU’ILS EN PARLENT » Coluche

Bien avant la création des Restos du cœur, il a le souci de s’occuper des pauvres et des laissés pour compte. Coluche exhorte alors les « 14 % d’abstentionnistes » à lui « envoyer des idées ». Il évoque tout de même quelques revendications, quoique simplistes, assez sérieuses. Sur le plateau d’Antenne 2, Coluche dénonce la situation de Manufrance (une usine qui vient de déposer le bilan) et houspille la répression. Autant de problématiques qui ne donnent pas envie de rire.

Et son discours fait son effet. Coluche grimpe dans les sondages. En quelques mois, il est crédité de 16% d’intentions de vote. Un score qui inquiète autant la droite que la gauche. Le phénomène dépasse sans doute le comique qui, victime du boycott des médias, préfère se retirer le 16 avril 1981 en appelant à voter pour le candidat socialiste François Mitterrand. Mais Coluche aura marqué toute une génération et ses propos raisonnent encore aujourd’hui.

Jamais oublié

Cette année encore, les manifestations contre les violences policières et celles des « gilets jaunes » font écho à ses propos. Le 10 mars 1980, Coluche est l’invité d’honneur du journal de la mi-journée d’Antenne 2. En plateau, Patrick Lecocq le fait réagir sur différents sujets d’actualités. Encore candidat à la présidentielle, il s’exprime sur le sujet des violences policières de façon très cash.

1980 : Coluche dénonce les violences policières | Archive INA

Coluche dégaine une feuille de papier sur lequel il lit une liste de blessés ou de tués par les forces de l’ordre depuis le début de l’année. « Un policier qui fait son devoir c’est toujours sur un Arabe en lui tombant dans le dos » s’indigne-t-il. Maniant ironie et dérision, il interpelle l’opinion publique non sans préciser qu’il n’est pas contre la police « qui n’a pas un rôle facile en général ». Mais il ne s’arrête pas là. « Le problème c’est qu’il n’y a pas de raison. Il y en a une, en fait, c’est que les policiers se croient extrêmement couverts » déplore-t-il.

Des déclarations qui résonnent tristement dans l’actualité. Les internautes et les médias ont ressorti cette interview de Coluche au cours des derniers mois. 35 ans après sa mort, le clown politique est loin d’être oublié.

Cidjy Pierre