Dix ans après Fukushima, le « Japon se reconstruit mais n’oublie pas »

Claude Leblanc ancien rédacteur en chef de courrier international. Il s’est rendu plusieurs fois au Japon

Claude Leblanc, ancien rédacteur en chef de Courrier international, est passionné par l’Asie qu’il couvre pour l’Opinion. Il a publié de nombreux ouvrages dont « Le Japon vu du train». Présent sur place une semaine après Fukushima , il raconte comment le Japon est toujours marqué par ce drame

Comment le Japon se porte-t-il dix ans après le tsunami et l’explosion de Fukushima ?

– « Le tremblement de terre qui a précédé le tsunami et l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima, a été l’un des plus élevés au Japon jusqu’à présent.

Ils pensaient qu’une vague de 3 à 4 mètres allait déferler mais elle s’est avérée atteindre parfois 40 mètres de hauteur à certains endroits. Des bâtiments et des écoles ont été emportés. Et pour ce qui est de la radioactivité et de l’explosion de Fukushima, certains Japonais refusent toujours d’acheter des fruits et légumes produits sur ces terres qui ont été contaminées. Les collectivités et le gouvernement ont lancé des campagnes pour les inciter à consommer. Ces produits sont scientifiquement consommables mais dans l’inconscient des Japonais, la crainte demeure.»

Quel est l’impact de ce drame sur la population et le pays ?

-« Aujourd’hui la grande majorité des Japonais désapprouvent le nucléaire. Selon le sondage de l’ANHK, 85% des personnes interrogées craignent encore un accident. Le souci c’est que pour assurer l’apport nécessaire en électricité le nucléaire est essentiel. Ce qui a considérablement changé dans leurs esprits c’est la perte de confiance en leur technologie. Cette catastrophe a été un vrai choc. Ils ne pensaient pas qu’il puisse y avoir des failles.

Depuis, ils ont mis en place de nouvelles normes anti-tsunami et des normes de sécurité plus importantes et plus pointues.

Ce qui est certain c’est qu’ils continuent d’avancer mais ils tiennent à ne pas oublier. Chaque année, une minute de silence est faite et les villes victimes du drame édifient de nouveaux bâtiments pour symboliser la reconstruction de toute la région. »

Que sont devenus les personnes évacuées de cette zone ou qui ont tout perdu ? 

-« En 10 ans, sur les 165 000 personnes délocalisées, tout le monde a pu quasiment être relogé et réhabilité. Et beaucoup de locaux aspirent à retourner chez eux. Par exemple, la ville de Futaba a entièrement été évacuée. Les gens sont partis vivre au nord de Tokyo. Certains veulent retourner là-bas sur la terre de leurs ancêtres mais cela est impossible. C’est donc très dur pour ces personnes. Le Japon se reconstruit mais n’oublie pas »

propos recueillis par Maëlliss Patti


10 ans après la catastrophe, qui sont les porteurs de l’événement et ses nouveaux acteurs ?

Ritsuko, japonaise résidant en France, 50 ans “J’ai vu la nouvelle à la télévision depuis la France. C’était sans mot, incroyable, choquant.  Ça fait 10 ans mais on ne peut plus parler du Japon sans penser à ce drame ! Par contre, on a vite oublié les dangers du nucléaire:  c’est le cas de mes parents qui ne voulaient plus des légumes et fruits de cette région mais qui recommencent à en acheter aujourd’hui.”

Kazunori Togashi ,Président de l’association Ganbalo,qui mène depuis 2012 un mouvement pour soutenir les enfants de Fukushima  L’idée c’est de sortir les enfants de cette ambiance de radioactivité, sensibiliser au nucléaire et leur ouvrir les yeux à de nouvelles perspectives, à l’espoir. Aujourd’hui, les associations antinucléaires sont très dynamiques et c’est nouveau (cf photographie manifestation place de la République)”. 

Amandine Chan, membre de Ganbalo, membre de Ganbalo, 21 ans “Il y a eu un séisme récemment à Fukushima de magnitude 7.5, et ça a fait ressurgir certains traumatismes. L’association permet aux enfants et étudiants de Fukushima de voyager et de sensibiliser le monde aux catastrophes naturelles, mais aussi de récolter des fonds, et établir un véritable échange culturel”. 

Sophie Peigné, française habitant à Kyoto depuis 2 ans: “Tous les ans, le 11 Mars à 9h30, il y a un exercice d’évacuation en cas de tremblement de terre. On nous envoie un message sur nos téléphones (cf photo screenshot). J’avais déjà reçu le message l’année dernière et j’ai dû me mettre en sécurité (en l’occurrence, une école primaire qui fait office de lieu de rassemblement en sécurité.)”

“Exercice d’évacuation (Kyoto). Bonjour, ici la ville de Kyoto. Ce matin à 9h30, un fort séisme s’est produit. À la suite de ce séisme, un incendie s’est déclaré dans le quartier de (…) et continue à se répandre. Si vous habitez dans ce quartier, allez vous réfugier dans un parc ou autre grand espace à découvert. (Ceci est une exercice, il n’est pas obligatoire)”.

Emilie Cordier et Maëlliss Patti