Formule 1 : jusqu’à s’en brûler les ailes

C’est reparti : les Grands Prix de Formule 1 reprennent ce dimanche 28 mars à Bahreïn et la troisième saison de Formula 1 : Drive to Survive vient de sortir. Troisième événement sportif le plus médiatisé, la Formule 1 a su conquérir le cœur de la population. Dans les médias et particulièrement à la télévision, la Formule 1 effraye, interpelle et passionne les spectateurs. Analyse d’un phénomène mondial sur ce sport extrême et mortel qui fascine.

Lewis Hamilton après avoir gagné le Grand Prix de Chine en 2019. Crédit : Wang Zhao/AFP

Oui, la Formule 1 est un sport extrême. Lancés à plus de 360 km/h en ligne droite, tournant en circuit fermé pendant environ 2 heures dans un véhicule monospace fait de carbone, les pilotes sont testés jusqu’à leur limite. La discipline en plus d’être spectaculaire a vu en direct les accidents les plus impressionnants. Finir la course, gagner à tout prix, au risque d’y perdre la vie. Erreurs techniques, mécaniques ou juste un peu de témérité, les accidents ne se jouent à presque rien.

Des accidents en série

Il l’a senti. Sur le circuit d’Imola au Grand Prix de Saint-Marin en 1994, Ayrton Senna l’a senti. Déjà le jour des qualifications, Rubens Barrichello, pilote brésilien de l’écurie Jordan, perd le contrôle de sa voiture et s’écrase contre un mur de pneus. Un accident donc il ressort uniquement blessé : « Je voulais me faire un nom. Je pensais pouvoir le faire. Mais ma voiture n’a pas supporté ce que je pensais être possible, et j’ai eu un énorme accident », témoigne Barichello. Le lendemain, nouveau drame. Roland Ratzenberger, pilote autrichien de Simtek, est tué sur le coup après avoir perdu un aileron. Ayrton Senna a presque abandonné. Presque. Il s’inquiète pour Barichello, pleure pour Ratzenberger, mais ne peut se résoudre à partir : « Il existe certaines choses que l’on ne peut contrôler. Je ne peux pas abandonner. Je dois continuer »

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Ayrton Senna en 1989 au Grand Prix du Japon. Crédit : Paul-Henri Cahier ?

La mort d’un héros

Le 1er mai 1994, le matin de la course, il évoque l’avenir. Il veut protéger les pilotes mais « les écuries préféraient mettre leur argent sur l’évolution de leur voiture que sur la sécurité », rapporte Jean-Louis Moncet, commentateur sur TF1. La course approche. Il est secoué, mais en tête du peloton, à bord de sa Williams FW16, il ne veut pas renoncer. En s’échauffant, il prononce même un mot pour Alain Prost, ancien rival et ami de Ayrton Senna devenu consultant pour TF1 : « Tu nous manques, Alain ». En l’honneur du pilote autrichien décédé, il emporte avec lui le drapeau rouge et blanc du pays. S’il gagne, il l’agitera vers les cieux. Mais, à 14h18, il perd le contrôle de son véhicule et heurte de plein fouet un mur de béton à 212 km/h sous les yeux de millions de téléspectateurs. Choc immense. Jean-Luc Moncet a les mots justes : « l’archange gisait à terre, foudroyé ». Ses ailes ont brûlé.

Ayrton Senna, considéré comme l’un des plus grands pilotes de tous les temps. Crédit : Bernard Brault, Archives La Presse

Un souvenir gravé dans les mémoires

Depuis 1982, il n’y avait pas eu de décès sur le circuit. Commentateurs et (télé)spectateurs sont choqués. Personne ne sait ce qu’il se passe. Alain Prost regarde l’événement comme les millions d’autres. Les caméras tournent toujours, n’en manquant pas une miette. Une voiture détruite, un héros transporté à l’hôpital où il sera déclaré mort à 18h30, succombant d’une hémorragie cérébrale. Aucune blessure, aucun bleu sur le corps, juste un morceau de métal qui a traversé son casque. Pourtant, la course continue. Le lendemain, le Brésil, patrie de Magic Senna déclare trois jours de deuil national. 500.000 personnes seront présentes à son enterrement.

Améliorer la sécurité

« Ça fait très longtemps que le côté business prend le pas sur le sport », déclare Alain Prost dans une interview sur TF1, alors que Senna n’avait pas quitté notre monde. Ne serait-il pas le moment de remettre en question la sécurité des pilotes ? Quelques améliorations seront faites pour permettre de mieux protéger les circuits après les morts des deux pilotes lors du Grand Prix de Saint-Marin. De meilleures barrières de sécurité sont mises en place, des voies sont améliorées et redessinées, les normes de sécurité en cas de collision sont renforcées et la puissance des moteurs est limitée. Depuis, on ne compte plus les changements qui ont été réalisés pour permettre de combiner le spectaculaire et la sécurité. On pense au halo de protection qui a probablement sauvé la vie de Romain Grosjean, pilote français chez Haas alors qu’il subit un violent accident en novembre 2020 à Bahreïn.

Le crash de Romain Grosjean duquel il en ressort indemne.

Malheureusement, le sport reste extrême et dangereux. Les accidents existent toujours et sont très impressionnants : Romain Grosjean en 2020, Felipe Massa en 2009, Robert Kubica en 2007. Même la mort peut encore frapper : Jules Bianchi, 25 ans, subit un accident en 2014 et décède après neuf mois passé dans le coma. Depuis l’apparition de la Formule 1 en 1946, ce sont 44 pilotes qui ont trouvé la mort. Aujourd’hui, les voitures, les combinaisons, les casques sont bien plus renforcés et fiables, mais les monospaces vont aussi plus vite et leurs conducteurs souhaitent toujours autant gagner. Tous se bousculent : Lewis Hamilton, Max Verstappen, Fernando Alonso, Sebastian Vettel, Daniel Ricciardo… Les plus grands veulent garder leur suprématie et les plus petits essayent de s’imposer dans ce monde compétitif. Se pousser dans ses retranchements et atteindre ses limites au risque de se brûler les ailes.

Margaux Chauvineau

Pour aller plus loin :

La bande-annonce de la troisième saison de Formula 1 : Drive to Survive
Le film documentaire sur Ayrton Senna sorti en 2011
Rush, film sorti en 2013 sur la rivalité entre Niki Lauda et James Hunt