L’affaire Karachi arrive enfin à son terme ! Après 25 ans de procédure, l’ancien Premier ministre Edouard Balladur a été relaxé de tous les chefs d’accusation portés contre lui. Son ancien ministre de la défense François Léotard a, quant à lui, été condamné à deux ans de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende.

Mais que leur reprochait-on exactement ? L’Affaire Karachi comme on l’appelle, est une affaire politico-financière qui concerne deux contrats d’armement signés en 1994. Fin 1992, le gouvernement Balladur cherche à vendre ses sous-marins Agosta au Pakistan. Selon une pratique autorisée à l’époque, environ 50 millions d’euros de commissions sont prévus afin d’obtenir le marché. Les commissions, ce sont des genres de « pots-de-vin » légaux versés à des intermédiaires qui ont des réseaux dans le pays en question, afin de convaincre les bons interlocuteurs. En juillet 1994, alors que le contrat est presque bouclé, deux nouveaux intermédiaires sont imposés par le ministère de la défense. En l’occurrence Ziad Takieddine et Abdul Rahman El Assir. Pour une transaction de 830 millions d’euros, ils ont touché au final 30 millions d’euros.
Rien ne serait remonté à la surface si le 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan, une voiture piégée n’avait pas foncé contre un bus transportant des salariés de la DCNI, la branche internationale la Direction des constructions navales. L’attentat fait 15 morts, dont 11 Français. A l’époque, on soupçonne des représailles terroristes suite à la vente des armements. De fil en aiguille, le tribunal anti-terroriste relève des incohérences dans la gestion de ce dossier par le gouvernement.
Des fonds utilisés pour la campagne présidentielle de 1995 ?
Ce qu’on leur reproche, c’est le système de rétro-commission qu’auraient mis en place tous ces interlocuteurs. Contrairement à la commission, la rétro-commission est illégale. Il s’agit d’un retour à l’envoyeur de tout ou une partie des commissions. En l’occurrence, les 30 millions d’euros des intermédiaires seraient revenus en France pour financer la campagne présidentielle de Balladur en 1995. Les prévenus ont été jugés par le tribunal de Paris en 2020 pour abus de biens sociaux, complicité ou recel de ce délit, mais pas pour un éventuel financement politique illégal, qui est prescrit. Pour tous les accusés, les peines vont de 2 à 5 ans de prison ferme. Parmi eux, on ne retrouve en revanche pas Edouard Balladur et François Léotard, alors membre du gouvernement pendant les faits. La justice se tourne donc vers la Cour de Justice de la République qui a donc rendu son verdict cette semaine.
Absent du procès, Edouard Balladur s’est exprimé dans un communiqué : « Je prends acte avec satisfaction de la décision de la Cour de justice de la République qui reconnaît enfin mon innocence », après « un quart de siècle de calomnies ».
François Léotard, quant à lui, annonce « avoir honte pour la justice française et ses dérives dangereuses. Je défendrai toujours la liberté de la décision politique ». Il a également annoncé se pourvoir en cassation.
Benjamin Grischko
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