Depuis quelques semaines, on ne parle que de cela : le racisme anti-asiatique. Il sévit dans le monde entier et pourtant, il aura fallu une crise sanitaire qui a débuté en Chine et de multiples attaques contre des Asiatiques pour faire réagir les populations.
« Rentre chez toi », ils l’ont presque tous entendu une fois dans leur vie. Américains d’origine coréenne, Australiens d’origine chinoise, Français d’origine indienne …, tous ont déjà subi une certaine forme de racisme. Harcèlement, « blagues », commentaires haineux sur leur couleur de peau, leurs yeux, leurs cheveux et même jusqu’à passer à l’acte. A Atlanta (Etats-Unis, Géorgie) le mardi 16 février, un homme ouvre le feu dans différents salons de massage de la ville. Huit morts dont six femmes d’origine asiatique. Il n’est pas dit que les attaques soient de nature raciste, mais elles ont déclenché une vague de protestation aux Etats-Unis et dans le reste du monde.

Une discrimination qui existe depuis longtemps
#StopAsianHate, voilà ce que plaident les Asiatiques sur les réseaux sociaux. Marre de se faire pointer du doigt, marre de se faire harceler, marre de se faire souffler dans l’oreille « coronavirus » en allant faire ses courses. Les voix s’élèvent, mais beaucoup demande : est ce nouveau ? « Je trouve le mouvement #StopAsianHate assez triste. Les gens pensent vraiment découvrir qu’il y a du racisme contre les Asiatiques. Les gens ne savent pas que ça dure depuis toujours », déclare Emma, 21 ans, Américaine d’origine sud-coréenne. « En 5ème j’ai dû changer d’école parce que je me faisais harceler […] C’est fou quand même, il y avait des camps d’internement pour les Japonais aux USA dans les années 40 ». Ce sont en effet près de 110 000 Japonais ou Américains d’origine japonaise qui ont été enfermés dans des camps dits « de réinstallation », privés de la liberté et du respect. Une forme de représailles pour Pearl Harbor le 7 décembre 1941.
Un racisme ordinaire
Comme le décrit Emma, cette discrimination existe depuis toujours. La jeune femme se questionne : est-ce que ces moqueries ne sont juste que des blagues ? Est ce qu’il faut se taire ? Ce sont des interrogations légitimes qui lui font d’ailleurs souvent changer son comportement. « Quand les gens me demandent de sourire et qu’ils me disent d’ouvrir mes yeux plus grands, je fais une blague ou je suis sarcastique pour que la situation soit moins gênante pour moi », indique-t-elle. Une habitude qu’elle prend et qui pourtant témoigne de ce racisme ordinaire accepté et parfois assumé par une majorité. Par exemple, le 28 octobre 2020, une vague de tweets haineux à l’égard de la communauté asiatique en France avait déferlé à la suite de l’annonce du reconfinement. Appel à les « tabasser », les « agresser », tout y est.


« J’ai choisi de les ignorer et de montrer aux gens que je peux réussir dans la vie en dépit de ce qu’ils pensent de moi » – Emma
Si quelqu’un fait une remarque sur le physique d’une personne noire, cela est qualifié de raciste, pourquoi la même remarque envers une personne asiatique n’est-elle vue que comme une blague ? Bien sûr, il ne faut pas hiérarchiser les discriminations et affirmer qu’un combat est plus ou moins important qu’un autre, mais ces moqueries faites à l’égard des Asiatiques devraient être considérées telle qu’elles sont : du racisme. « Je pense que les Asiatiques sont oubliés quand il est question de racisme, parce qu’on ne se rebelle pas, on ne parle pas », révèle Emma. Néanmoins, pour elle, c’est une force d’ignorer ces commentaires et même une façon de se rebeller : « J’ai choisi de les ignorer et de montrer aux gens que je peux réussir dans la vie en dépit de ce qu’ils pensent de moi ». Comme sa mère avant elle, Emma a dû se battre pour dépasser les stéréotypes : « Ma mère vient d’une famille très pauvre, ne connaissait aucun mot d’anglais [quand elle est arrivée de Corée du Sud] et était la seule Asiatique dans son école en Alabama. Ses parents avaient chacun deux boulots et ma mère a pratiquement élevé son frère à cause de cela. »
Représentation dans les médias
Jessica, 20 ans, Australienne d’origine chinoise émet une autre hypothèse : « Pour ce qui est des Chinois, les gens les considèrent comme une « minorité modèle » : nous sommes une minorité dans une société majoritairement blanche, mais on arrive à un degré de réussite socio-économique plus élevé que d’autres minorités comme les Noirs. » Elle ajoute que « dans les médias, on ne voit presque jamais des Asiatiques victimes de violences policières. […] C’est pour ça que je comprends que notre expérience de la discrimination en Australie peut être moins urgente que celles des Aborigènes par exemple. »
Pourtant comme aux Etats-Unis, le racisme envers les Asiatiques en Australie est une réalité depuis longtemps. Comme l’explique pour National Geographic, Erin Wen Ai Chew, présidente de l’Asian Australian Alliance protégeant les Asiatiques sur le territoire australien, au 19ème siècle au moment de la ruée vers l’or, les mineurs Chinois étaient attaqués, lynchés et parfois tués. Aujourd’hui encore, alors que l’on utilise des expressions comme « virus chinois », les agressions qu’elles soient verbales ou physiques continuent et augmentent. Un rapport de Stop AAPI Hate, organisation créée en mars 2020, a recensé 3 795 cas d’agressions aux États-Unis entre le 19 mars 2020 et le 28 février 2021 soit une augmentation de 150% des violences envers les Asio-Américains en 2020.
Il semblerait alors que cette violence à l’égard des Asiatiques n’a fait qu’augmenter avec la crise et fait éclater au grand jour, pour le pire ou pour le meilleur, le sort de ces oubliés.
Margaux Chauvineau
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