
C’est le mercredi 22 Septembre que se sont réunis à Niort (Deux-Sèvres) près d’un millier de manifestants sur la place de la Brèche, point névralgique de la ville. Leur revendication: mettre fin aux projets de bassines de retenue d’eau, un non-sens écologique selon eux.
À partir de l’ouest de la ville de Niort jusqu’à la côte atlantique, entre les Deux-Sèvres, le département de la Vendée et la Charente Maritime, se trouve la seconde plus grande zone humide de France: le marais poitevin. C’est grâce aux ingénieurs Hollandais, appelés par le roi Henri IV au début du XVIIème siècle, que le vaste marais sauvage est désormais quadrillé par un système complexe de canaux. Cette gestion de la zone a permis ce lieu à la faune et flore foisonnante de devenir une zone de production agricole riche et, en même temps, un lieu touristique réputé. Seulement voilà: c’est justement cette dualité économique – et donc sociale – qui est au centre du conflit autour du projet des « bassines ».
La manifestation du 22 Septembre était hétéroclite: si c’est bien le collectif « Bassines Non Merci » (ou BNM) qui a organisé l’évènement, on a pu également y trouver des membres locaux d’Extinction Rebellion ou de Youth for Climate. Également présent, la Confédération Paysanne, syndicat paysan. Ce jour là n’était pas choisi par hasard puisqu’à Niort se déroulait par la même occasion le congrès du syndicat majoritaire des agriculteurs, la FNSEA: cette organisation, qui à l’inverse de la « Conf' », possède un pouvoir de persuasion – entendez par là « lobbying » – important vis à vis du ministère de l’Agriculture – à la tête duquel nous trouvons actuellement Julien Denormandie.
Mais quel est donc ce projet ?
Revendiqué à partir de 2017 par la Coop de l’eau, rassemblant plusieurs agriculteurs irrigants, le but est d’installer 19 réserves de substitution d’eau dont 15 dans les Deux-Sèvres. Le tout pour un budget de 59 millions d’euros. Ces larges bassines (environ 10 ha selon le collectif BNM) sont creusées pour être remplies en hiver d’eau pompée dans les nappes phréatiques afin d’irriguer, l’été arrivé, les champs. Dès le début, une opposition s’organise contre le projet: le collectif n’en est pas à sa première manifestation puisque dès 2018, les militants s’étaient notamment baignés dans la Sèvre Niortaise, coup médiatique pour alerter l’opinion de ce qui est selon eux un projet néfaste du point de vue écologique comme économique. Sur leur site internet, ils ne mâchent pas leurs mots: « Partage inéquitable de l’eau », « Substitution douteuse et manipulation par les lobbies agro-industriels », « incohérence économique et climatique »… Les militants estiment que près de 20% de l’eau entreposée dans les bassines s’évaporeront d’ici à l’été. Ce « gâchis » n’est pas à prendre à la légère alors que la zone humide est marquée par la sécheresse – la dernière fois pendant l’été 2020. La fronde est également sociale: il ne s’agit pas juste d’un conflit écolos/paysans puisque parmi l’argumentaire des anti-bassines se trouve une défense de l’accès à l’eau par tous les agriculteurs, y compris les plus modestes. Se trouve de même la crainte que les projets ne causent la mainmise absolue de la ressource essentielle par les « conventionnels » une frange d’agriculteurs plus productivistes et plus influents politiquement… La Coop de l’eau, à l’inverse, estime que le projet de substitution permet un gain du niveau de l’eau en été: « l’étude d’impact a démontré des gains de niveau de nappe pouvant aller jusqu’à 4 mètres et des gains de débits de rivière pouvant aller jusqu’à 60% » assurent-ils dans la FAQ de leur site internet. De même, ils estiment que le projet serait bénéfique pour les agriculteurs bios puisqu’ils seront, selon eux, irrigués de la même manière. Voilà qui ne convainc guère les militants qui ont occupé le premier chantier du projet ce 22 septembre, à Mauzé-le-Mignon. Depuis 2017, l’opposition ne semble pas faiblir: verrons-nous émerger une nouvelle ZAD ? Affaire à suivre…
Ferdinand Chenot
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