La rentrée en sixième est un moment particulier où, entouré de ses parents, on rentre enfin dans la cours des grands. Ce passage à un nouvel âge de la vie a été perturbé en ce mois de septembre par des protocoles laissant peu de place à la liberté nouvellement acquise et par une pandémie omniprésente.

Les petits CM2 sont devenus de grands sixièmes le 2 septembre, lors de leur pré-rentrée. Enfin, ceux pour qui la cours de récréation de leur école primaire devenait trop petite, peuvent enfin découvrir leur nouvel établissement, beaucoup plus grand, hors de leur village natal, avec de nouveaux camarades. Ils découvrent avec joie leur emploi du temps, une salle et un professeur différent par matière, comme les grands dans les films américains !
Seulement, cette liberté tout juste acquise reste enchaînée au spectre de ce minuscule virus. Il est partout, tout le temps, dès la pré-rentrée. Les nouveaux pensionnaires du collège Théodore Monod de Lesquin, près de Lille, découvrent leur établissement le même jour que leur rentrée, faute de journée portes-ouvertes. Ce sont alors des visages masqués qui se découvrent pour la première fois. Du gel hydroalcoolique doit être appliqué à l’entrée de l’établissement, avant chaque cours, avant et après la cantine ainsi qu’à chaque passage aux toilettes. Impossible de s’en laver les mains de ce virus. Les élèves ne connaissent pas le visage des enseignants qui vont les accompagner durant cette année scolaire tellement particulière. C’est alors la stupéfaction générale quand la professeure de français baisse son masque pour boire de son thé : elle a de la moustache !
« Est-ce que je vais réussir ?«
Du côté des professeurs, la tâche n’est pas moins aisée. Devant eux se présentent des yeux perdus face à un contexte que ces petits ne comprennent pas entièrement. Les confinements successifs ont creusé les écarts de niveaux entre les élèves. Pire, les petits étudiants issus de familles moins confortables avec le système scolaire n’ont pas pu aider à la hauteur leurs bambins. Le fossé se creuse. C’est un crève cœur pour ces adultes bien formés par l’école de la République que de constater que cette jeune génération n’aura pas la même chance qu’eux. « Est-ce que je vais réussir ? ». Cette phrase recueillie par nos confrères de Libération auprès d’une jeune sixième durant la pré-rentrée du collège Jean-Perrin du XXème arrondissement de Paris, classé REP, résume à elle-seule la situation. Les profs qui ont d’habitude réponse à tout n’ont pas celle-ci. Pourquoi l’école est-elle faite, si ce n’est pour donner la même chance à tous ? Cette réalité est déjà dure en temps normal, mais là il faut en plus gérer le petit Louis dont le nez refuse de rentrer dans son masque.
« Est-ce que c’est de ma faute si le virus continue de tuer des gens ?«
Il y a également des thèmes plus graves que les enseignants et les élèves vont devoir gérer ensemble. Le président Emmanuel Macron a lui-même souligné les 40% de hausse d’enregistrements aux urgences pédopsychiatriques observés depuis le début de la pandémie dans son discours du 4 avril sur la santé mentale des jeunes gens. Ces chiffres sont plus compliqués à trouver, mais une hausse des troubles dépressifs a été constatée, tout comme les gestes suicidaires. Mais il y a aussi tous ces petits anxieux. « Est-ce que je vais faire tomber malade mamie parce que je suis retournée au collège ? », « Est-ce que c’est de ma faute si le virus continue de tuer des gens ? » Mais attention ! Il ne faut pas oublier d’apporter deux masques dans son sac de cours et mettre du gel hydroalcoolique. Le rôle des têtes blondes dans la propagation du Covid a été en partie démontrée par les creux épidémiques constatés durant les périodes de vacances scolaires. Naissent alors des paradoxes. La fin du port du masque dans les écoles primaires dans certains départements, et donc l’idée qu’un jour il en sera de même pour nos collégiens, effraie autant qu’elle rassure. Si la pandémie reprend des forces à la suite de cette mesure, nul ne pourra empêcher l’avalanche de remarques. En plus du poids des années volées, s’ajoute celui de la culpabilité que font peser des adultes qui ont peut-être oublié ce que ça faisait d’avoir 12 ans. Dire qu’avant, il n’y avait que les cartables qui étaient trop lourds. Si un vaccin a été trouvé pour ce virus, il n’y en a pas encore pour réparer le mal qui a été fait à la génération des sixièmes qui ont fait il y a un mois leur rentrée au collège, dans la cours des grands.
Margaux Verdonckt
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