Depuis le 15 octobre, le Palais des Beaux-Arts de Lille propose une exposition temporaire sur la vie d’artiste du peintre espagnol Goya. Une expérience qui prouve de son influence et d’une âme torturée entre la joie des couleurs et les ténèbres de l’Histoire.
« Ensuite, commence la peinture moderne ». Voilà les mots qu’André Malraux utilise pour décrire le génie de Goya, le peintre qui serait selon lui l’origine de la peinture moderne, le créateur du mouvement. Du 15 octobre et jusqu’au 14 février 2022, le Palais des Beaux-Arts expose l’Expérience Goya. Une exposition temporaire sensorielle et immersive pour un spectateur directement plongé dans l’âme à la fois funeste et joyeuse d’un artiste qui peint à travers les différents événements de son histoire et de l’Histoire.
Les Jeunes et Les Vieilles : le chef-d’œuvre de Goya à Lille
L’Expérience Goya attise l’excitation du spectateur durant toute la visite. Dans une salle unique, les attendues de l’exposition, Les Jeunes (1814-1819) et Les Vieilles (1808-1812), attendent avec impatience sa venue. Mais avant d’en prendre connaissance, l’exposition propose un court film, L’Expérience Goya : l’imagerie scientifique enquête. En quelques minutes, il présente les recherches menées sur les deux œuvres pour répondre à certaines problématiques : sont-elles réellement des pendantes ? Quelles sont leurs secrets ? Pour y répondre, des imageries scientifiques ont été menées par le C2RMF, le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France. À la fin, le spectateur en sait davantage sur Les Jeunes et Les Vieilles avant de les découvrir physiquement.

Et le spectateur peut enfin entrer dans l’expérience « Goya Obra », les deux œuvres emblématiques du peintre sont présentées avec fierté. Une fierté assimilée au fait que ce sont deux productions conservées avec soin par le Palais des Beaux-Arts lillois. Dès le début de l’idée de l’Expérience Goya, l’exposition devait se fonder sur ces deux chefs-d’œuvre qui font une partie de la richesse du Palais. « L’objectif était de mettre en valeur la propre collection du musée et de mieux maîtriser les prêts d’œuvres, en provenance d’exclusive Europe, dont deux seulement ont voyagé en avion » comme l’explique les panneaux informatifs de l’exposition quant au transport des peintures.

Le Goya panoramique
« Goya est le témoin le plus sincère des événements funestes ou heureux de son époque, en quelque sorte le premier reporter des Temps modernes », Jeannine Baticle dans son œuvre Goya (1992). C’est à travers cette citation que l’Expérience Goya plonge le spectacle dans le « Goya panoramique ». Un film est représenté sous forme de panoramas d’inspiration cinématographique et présente l’essentiel de l’œuvre du peintre. Assis, le spectateur est entouré d’un écran qui projette les grandes peintures de Goya dans une ambiance figée et angoissante. Alors que sa vue est décuplée par cet effet panorama, son ouïe l’est d’autant plus. Une musique inquiétante et dramatique perdure et monte en intensité alors que des œuvres de plus en plus sombres et funestes défilent. Toujours dans cet optique de donner un effet oppressant au spectateur, ce dernier est stupéfié en voyant les visages des portraits s’animer. Le défi est réussi, tous les spectateurs ont immédiatement plongé dans l’Expérience Goya.

Goya, « le génie » du funeste
Le terme de « génie » revient à plusieurs dans les textes d’explication de l’exposition. Que ce soit par des citations ou de manière factuelle, l’Expérience Goya cherche à prouver du génie de l’artiste. C’est là que l’on entre dans l’univers paradoxal du peintre. Autour du spectateur, des œuvres à la fois colorées et sombres, des sourires, des visages d’horreur. Aucune organisation prescrite, les œuvres sont mélangées et l’on passe rapidement du Parasol (1777) à Saturne dévorant ses fils (1819-1823). Le spectateur est transporté de portraits conformes à la vision d’horreur des visages de Deux vieillards mangeant de la soupe (1823).
Un sas de transition est créé où une nouvelle ambiance angoissante est mise en valeur par un autre défilé d’œuvres les plus sombres de Goya agrémenté d’une musique alarmante et d’un fort son de cœur aux rythmes réguliers. Sous forme filmique, on retrouve les fameuses productions du Triennat libéral et les Peintures noires (1820-1824). Encore une fois, le spectateur se trouve entouré – et presque accaparé à son insu – par le côté obscur et funeste de Goya.

L’Expérience Goya retrace la vie de l’artiste. Un peintre qui a continué de percuter le monde de l’art, mais aussi les réalisateurs les plus emblématiques comme Fellini (1920-1993), tout en inspirant les plus grands films du XXe siècle, Il était une fois dans l’Ouest (1968) et Il était une fois la révolution (1971). L’exposition met en avant la grandeur de l’artiste dans l’influence qu’il continue de donner aujourd’hui, et comment ses œuvres sont elles-mêmes des illustrations de l’Histoire. Témoin de l’insurrection espagnole de 1808, il peindra notamment les deux tableaux Dos de Mayo et Tres de Mayo.
Une expérience sensorielle et immersive finalement réussie. Une exposition qui met également en haleine le spectateur, agité par l’attente des deux œuvres préférées du Palais des Beaux-Arts. Durant toute l’Expérience Goya, les sens sont stimulés et il y a une véritable entrée dans l’âme de l’artiste, dans son combat perpétuel entre la joie et le funeste, entre un témoignage d’événements heureux et malheureux.
La ville de Lille possède en effet un chef-d’œuvre de Goya. Et l’Expérience Goya vient de le prouver.
Chloé GOMES
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