Expatriation au Québec : gare aux clichés

Ce mercredi 13 octobre 2021 s’est tenu à l’Auberge de jeunesse de la ville de Lille « Le mois du Québec, un événement organisé par l’association Objectif Québec ! visant à accompagner les futurs expatriés dans leur projet. L’image d’Épinal que véhicule la Belle Province dans l’imaginaire collectif masque des réalités à prendre en compte. 

L’événement attire. Une cinquantaine de personnes se sont présentées pour assister aux conférences du jour tandis qu’une dizaine d’autres patientaient aux stands attendant quelques conseils financiers ou juridiques. C’est aussi le moment pour trouver un emploi : le Québec manque cruellement de main d’oeuvre dans les services ou le secteur industriel. Le premier cycle de conférence de la journée vise à accompagner les expatriés dans leurs démarches. Un parcours du combattant tant le chemin sera long du projet à sa concrétisation. Les clichés sont cassés et les quelques idéalistes ramenés à la réalité. Une vraie séance de coaching.

Un Français au Québec est un étranger

Première mise au point, le Français au Québec n’est pas spontanément le bienvenu. La province pratique l’immigration choisie. Sont accueillis ceux aptes à répondre aux besoins de main d’oeuvre dans un secteur défini, d’où l’extrême importance d’étudier le marché du travail local avant de songer à s’y établir. Pour la seule année 2019 (les statistiques pour l’année 2020 ne comptant pas pour d’évidentes raisons liées à la crise sanitaire du covid-19), le Québec n’a accueilli, en « admission permanente », que 40 565 personnes selon les chiffres du ministère québécois de l’immigration. Chiffre faible sur une population totale de 8 millions d’habitants quand on sait qu’ils ne comprennent pas seulement les Français mais tous les internationaux. Il y a 120 000 Français au Canada dont 100 000 au Québec et 80 000 dans la même ville. De même qu’il y a Paris et sa province, aux yeux de nos compatriotes, il y aurait Montréal et le reste du pays. Beaucoup de ces 80 000 Français ont la fâcheuse tendance à vivre entre eux, en communauté quitte, semble-t-il, à exaspérer les autochtones : « Quand un Québécois voit arriver un rançais, il se dit : de quel côté va-t-il pencher ? Bon ou mauvais ? » plaisante l’intervenante.

Futurs expatriés et simples curieux aux stands d’information. (AB / EnFaits)

Les Québécois sont des nords-américains

Les Québécois sont plus proches culturellement de leurs voisins anglophones que nous. La manière de se saluer, de se recevoir chez soi ou de se comporter en société diffère de nos habitudes. D’où l’importance de faire preuve d’humilité, d’être curieux du mode de vie québécois. Une fois cassées les images d’Épinal un peu trop exagérées, « la délinquance existe aussi au Québec » nous précise-t-on, la Belle Province a de sérieux atouts à faire valoir. Une qualité de vie indéniable, servie par de grands espaces quand on prend la peine de s’éloigner des grattes ciels montréalais. Une vie professionnelle et familiale dont les cloisons resteraient étanches. Le marché de l’emploi québécois semble être le principal atout de la province. Le moment pour notre conférencier de saluer sa flexibilité ainsi que la simplicité des rapports au travail. Au costume, symbole du pouvoir du patron français, s’opposerait le patron québécois, pratiquant volontiers le tutoiement et s’enquérant parfois de vos loisirs afin de détendre l’atmosphère avant une réunion de travail.

L’expatriation est un marathon

Ces candidats à l’expatriation, qui sont-ils ? Des trentenaires, quarantenaires pour la plupart. Déçus par un système qui oblige à consacrer quelques années d’énergie avant ses 30 ans pour espérer être tranquille les 40 ans de vie professionnelle suivantes. Sauf que beaucoup d’entre eux ont trouvé l’emploi mais pas forcément le « bon emploi ». L’envie d’ailleurs arrive vite quand on a l’impression d’avoir fait le tour de son boulot passé 35 ans. Sur le public présent, on repère également quelques visages un peu plus âgés. Sans doute l’envie chez certains de réaliser un vieux rêve. Comme cette femme en discussion avec un autre candidat à l’expatriation : « Ça fait peur de partir » ; « Partir aurait du sens après tout ce qui s’est passé dans ma vie » soutenue dans sa démarche par son camarade d’un jour : « Ne vous mettez pas de barrière, allez-y ! » puis ajoutant : « Moi ce que j’apprécie c’est la mentalité des gens au Québec. Le Canada, c’est la France d’il y a 30 ou 40 ans. On ne ferme pas sa maison. ». 

Un sentiment domine à l’issue de ces réunions, l’expatriation ne s’improvise pas. Souvent on ne part pas seul, mais avec son conjoint voire avec ses enfants. Il existe des cas où des projets d’expatriation réussis ont eu pour prix la cassure d’une famille. Arrive forcément les questions de financement étant donné les frais importants à prévoir. Parce qu’il faut bien que l’argent rentre, on évoque des bons salaires. De 2150 dollars canadiens (1500 euros) par mois au minimum à 4330 dollars canadiens (3000 euros) par mois en moyenne. Le moment enfin de rappeler une autre différence culturelle. Au Québec comme dans le reste du Canada, chaque habitant a sa note de crédit, bonne ou mauvaise selon que l’on est bon ou mauvais payeur. Et qui conditionne votre accès à un nouvel emploi, à un simple abonnement téléphonique ou encore à un logement. Imaginons le scandale dans l’hexagone si nous adoptions un tel système. Décidément, ces Québécois ne sont pas des Français comme les autres.

Antoine Beghin