Les sorcières sont de retour… et elles sont sur TikTok !

La figure de la sorcière a toujours fasciné autant qu’elle a pu susciter la peur. Mais depuis un an, les réseaux sociaux attestent d’une multiplication d’adeptes de la magie, dans une version inspirée du paganisme, de l’écologie, et du féminisme.

« On commence par broyer des feuilles de laurier et de lilas, ainsi que du romarin. On ajoute du sel et du sel noir, du poivre, de la cannelle, du cumin, du paprika, et du curry. » Cet extrait d’une vidéo TikTok n’est pas une recette de cuisine, mais celle d’une « poudre de bannissement et de protection, elle servira à bloquer les mauvaises énergies, les mauvaises habitudes, et les mauvaises personnes.« 

Tutoriels pour jeter des sorts, invoquer la chance, contrer de mauvaises énergies, et même affirmer faire bouger des objets à distance… Depuis plus d’un an, les vidéos sur la sorcellerie se multiplient. Et il ne s’agit pas de fans d’Harry Potter ou du Magicien d’Oz, mais bien d’une véritable tendance à croire en la magie.

La sorcière, entre haine et admiration

The Salem Martyr, par Thomas Satterwhite Noble

L’occulte a toujours nourri bien des peurs mais aussi des fantasmes. De l’Antiquité au Moyen-Age, les croyances dans les esprits ou les créatures magiques émaillent l’imaginaire collectif. Mais c’est surtout au début de la Renaissance que les sociétés chrétiennes s’organisent pour condamner les personnes accusées de sorcellerie. De nombreux massacres s’ensuivent, comme ceux de Pierre de Lancre au pays basque, ou les tristement célèbres sorcières de Salem, en Amérique.

Si une telle peur est tombée est désuétude, l’image de la sorcière a été réhabilitée, d’abord par des fictions qui la rendent sympathique, mais aussi par des mouvements féministes qui y voit des martyrs du système patriarcal. L’autrice Mona Cholet a signé un ouvrage phare sur la question, intitulé, Sorcières, la puissance invaincue des femmes. Elle y fait un parallèle entre le féminin sacrée et la nature.

Couverture du livre

 Est sorcière une femme qui ose « regarder à l’intérieur d’elle-même »,

Manifeste de W. I. T. C. H. (Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell) paru en 1968, cité par Mona Chollet

Mais de plus en plus de personnes croient fondamentalement à la sorcellerie et s’y adonnent via les réseaux sociaux. Il suffit de taper « sorcellerie » sur Youtube pour tomber sur des vidéos expliquant le B.A. BA de la magie blanche ou noire (voir verte, quand on utilise les forces de la nature). Il y a même eu un débat dessus organisé par l’animateur télé Cyril Hanouna en mars dernier. Était invitée Sarah, une des fameuses sorcières de TikTok, qui comptabilise 1,5 millions d’abonnés sur son compte.

Sarah AL est une influenceuse dont les contenus sont orientés autour de la sorcellerie et du mysticisme

Attention aux dérives

Si les plus cartésiens peuvent froncer les sourcils, ce ne sont là que des pratiques plutôt inoffensives. Il convient toutefois de mettre en garde contre des dérives possibles, comme de négliger de se soigner avec des médicaments en préférant demander un sort à quelqu’un. Mais un phénomène plus dangereux arrive aussi dans le « WitchTok », à savoir les accusations de malédictions. Certaines sorcières influenceuses déclarent être victimes de mauvais sorts qu’on leur a jetés, et s’ensuit un cercle de soupçons dans la communauté, de nombreuses personnes faisant des stories pour se défendre. Comme le cyberharcèlement est fréquent sur les réseaux, il convient d’être vigilant dans des cas d’accusation qui peuvent conduire au cyber-lynchage. Que les sorcières ne deviennent pas les nouveaux inquisiteurs.

Pauline Defélix