« Vous êtes convié à répondre dans les plus brefs délais » : attention à cette arnaque !

Depuis quelques mois, une arnaque par mail qui vous enjoint à répondre à une convocation de la Brigade des Mineurs, sévit dans le pays. Sous différentes formes, mais utilisant les mêmes codes, elle avait déjà été signalée par les médias au mois de mars 2021 en Belgique et elle est arrivée en France. Analyse.

Pédopornographie, pédophilie, exhibitionnisme, cyber pornographie et même trafic sexuel. La sentence est lourde ! Nous avons reçu ce mail dont l’objet est « 21/10/2021 : Poursuíte : Judiciaire ». Ce courrier électronique nous a été adressé par un certain Christophe Boyer, qui travaille en effet pour la Gendarmerie nationale. Premier indice : en regardant son adresse mail, on remarque qu’elle finit par sfr.fr. Impossible qu’une convocation officielle comme celle-ci n’est pas un format plus spécifique comme gouv.fr, ce qui aurait sûrement dû être le cas, si le mail était vrai.

Le document joint au mail reçu. Capture d’écran

Des noms de vrais fonctionnaires

D’autres éléments font toutefois très réalistes : le « document officiel » en pièce jointe, signé par Christian Rodriguez, directeur général de la Gendarmerie nationale, quoique envoyé à l’envers, reprend des codes des courriers officiels administratifs. Dans le corps du texte lui-même, des textes de lois à rallonge sont listés et plusieurs noms sont utilisés : « Madame, Catherine DE BOLLE commissaire générale de la police fédérale, élue au poste de Directrice d’Europol Brigade de protection des mineurs (BPM) ». Belge, elle est en effet la vraie directrice d’Europol. Une certaine Maryvonne Caillibotte, actuellement procureure de Versailles, est aussi mentionnée.

Mais comment se fait-il que les arnaqueurs puissent avoir accès à ces noms ? « C’est de l’usurpation d’identité. Il suffit d’aller sur les sites gouvernementaux pour trouver des noms de personnes responsables de tel ou tel service. Pour les signatures, elles peuvent être trouvées sur des documents officiels numérisés ou simplement être créées de toute pièce. Cela crédibilise l’arnaque », explique Jean-Baptiste Boisseau, fondateur de signal-arnaques.com qui lutte contre ce genre d’escroquerie.

Capture d’écran du mail reçu

Qu’est-ce qui cloche exactement ?

Passé le petit coup de stress, on sent rapidement le canular. D’abord en regardant ce qui nous est reproché : trafic sexuel semble tout de même un peu abusif pour y croire. Beaucoup d’autres éléments nous ont quand même sauté aux yeux : aucune mention d’un nom, mais une entrée en matière par un « A votre attention ». Si nous étions convoqués pour un quelconque crime, notre prénom et nom aurait au moins été inscrits sur le document.

Si vous vous posiez la question, en effet, nous avons vérifié les textes de loi. Dès le premier, on comprend que les arnaqueurs n’ont fait aucun effort. L’article 372 du code pénal ne provient pas du code français, mais du belge. L’arnaque avait en effet d’abord surgi en mars 2021 chez nos voisins les Belges. A sa suite, le document fait mention d’un article 227-23 du code pénal français cette fois-ci. Même des élèves de 6ème font de meilleurs copiés-collés.

Comment les arrêter ?

Selon Jean-Baptiste Boisseau, les arnaques viennent d’Afrique de l’Ouest, en majorité de Côte d’Ivoire et du Bénin. « Elles nécessitent une collaboration avec les autorités policières et judiciaires locales. Elles émanent de nombreux petits groupes d’escrocs et non d’un réseau particulier : cela rend les efforts à fournir importants comparativement aux arrestations que cela permet. Par ailleurs, de manière générale, les ressources accordées par les services de police/justice en France contre les escroqueries sont très sous-dimensionnées par rapport à leur volume », détaille-t-il.

Ceci expliquerait donc pourquoi, malgré les alertes publiées par la Gendarmerie nationale sur les réseaux sociaux, ces escroqueries datant de plusieurs mois subsistent toujours. La gendarmerie indique d’ailleurs que si n’importe qui était soupçonné de ces crimes, elle n’aurait pas gentiment adressé un mail, mais frappé à votre porte ou envoyé un courrier avec accusé de réception.

Mais que cherchent ces escrocs exactement ? Aucun lien sur lequel nous devons appuyer n’est indiqué, mais une adresse mail à laquelle il faut envoyer une réponse. « Vous risquez de vous voir demander de l’argent et des documents d’identité en tout genre qui leur serviront pour d’autres arnaques. Par ailleurs, en répondant, vous montrer que vous êtes un « bon client » pour eux ce qui renforcera la probabilité de recevoir des arnaques de ces groupes d’escrocs », ajoute le spécialiste des arnaques. Ce modèle d’arnaques n’est pas nouveau, mais le fait est qu’elle continue de tourner. Montrant bien, que ces « bons clients » doivent bien exister et qu’ils ne cessent de se faire avoir.

Margaux Chauvineau