Le vinyle, un temps désuet, aujourd’hui très prisé

Le 15 décembre prochain, le duo de rappeurs belges Caballero & JeanJass sortira son nouvel album. Mais particularité : Zushiboyz ne sera disponible qu’en format vinyle. Un contre-pied aux méthodes de consommations actuelles, et surtout, au streaming. Nous sommes allés à la rencontre de Maxime, disquaire de Bohème Records, 221 rue Léon Gambetta à Lille.

1500, c’est le nombre d’exemplaires de Zushiboyz qui seront pressés. Seule une poignée de fans, chanceux, a pu précommander le projet. Là où tous les artistes choisissent l’écoute en quantité, eux préfèrent la rareté. 
Pour Maxime, dirigeant de Bohème Records, c’est un bon coup de marketing : « historiquement, le rap a toujours été en décalage, c’est audacieux. Dans les années 90’, il incarnait la contre-culture, alors que depuis 15 ans, c’est le symbole de l’industrie musicale. Ce contre sens est une vraie bonne idée, alternative au bling-bling et au streaming. Aujourd’hui on a un mécanisme où les rappeurs sortent une track accompagnée d’un titre, là c’est décalé, c’est bien pensé ».

Ce contre-courant au streaming est devenu un slogan pour le duo belge. « 1500 vinyles/NO STREAMING », le tweet sobre de Caballero pour annoncer l’album. 

Un regain du format physique

Bien sûr, ce choix n’est pas anodin. Depuis quelques années, le vinyle connait une hype, objet en vogue de plus en plus utilisé par les maisons de disques. « Ça fait sept, huit ans que le format est vraiment prisé. Entre 2014 et 2019, le nombre de ventes a été multiplié par cinq. Les gros labels sortent tout sur vinyle maintenant ».

Dans l’ère du dématérialisé, du tout en réseaux, c’est le fait de posséder l’objet dans nos propres mains qui séduit. Maxime confirme : « le public est scindé en deux parties. 50 % d’entre eux sont des nostalgiques, ils ont connu le vinyle jeune et continuent d’en consommer. Les 50 % restant sont de nouveaux adeptes. En achetant au format physique, on supporte un projet qu’on aime, et on le possède réellement ».

« On artificialise l’offre »

PNL, Nekfeu, Lomepal, nombreux rappeurs ont opté pour le 33 tours. Mais bien souvent, le format physique est accompagné d’exclusivités. Des bonus tracks, pour permettre au consommateur d’écouter ce que le fan lambda ne peut pas écouter. Caballero et JeanJass poussent le processus à son paroxysme. 
Le vinyle est devenu objet d’édition spéciale, comme le CD et le DVD l’étaient déjà. « Au vinyle on ajoute plein de bonus, parfois des designs, des couleurs, on artificialise l’offre. Les majors — Universal, Sony et Warner — ont compris qu’ils pouvaient se faire beaucoup d’argent, ils dénaturent le marché ». 

Bohème Records est un des nombreux disquaires lillois. Photos : Clément Doucet

L’influence des grands labels sur le marché du 33 tours est synonyme d’augmentation des tarifs : « La demande augmente, et le prix avec. Déjà à cause de l’artificialisation des majors. Mais aussi du fait qu’ils produisent beaucoup, on à une pénurie de matière première pour fabriquer les disques. C’est tout le système qui est ralenti, les usines saturent. Certains vinyles deviennent rares, ou de labels indépendants qui peinent à exister, et leurs prix augmentent forcément ».

Si vous optez pour le vinyle au pied du sapin de Noël, il faudra alors réserver un billet un peu plus conséquent que les années précédentes. Pour l’album de Caballero et JeanJass, c’est déjà trop tard, il est sold out… Mais nul doute que d’autres artistes se lanceront dans le monde du vinyle. 

Clément Doucet