En France, le taux d’analphabètes (personnes n’étant pas allées à l’école et ne sachant ni lire et ni écrire) est de seulement 1%. Cela veut dire que 99% de la population française sont allés à l’école. Mais parmi ces personnes, 7% sortent du système scolaire sans avoir appris à lire et à écrire correctement. On dit que ce sont des personnes illettrées. Aujourd’hui, en France, environ 7% de la population âgée de 18 à 25 sont en situation d’illettrisme. Témoignage de Malika, qui a été longtemps engagée dans la lutte contre l’illettrisme.
Malika, engagée dans une démarche d’aide aux personnes en situation d’illettrisme, nous confie les difficultés que ceux-ci subissent tous les jours. Il est vrai que l’illettrisme est un handicap quotidien. Il est impossible pour eux de lire les panneaux, les affiches, les publicités dans la boite aux lettres et bien d’autres éléments encore. « Les personnes sont pétrifiées par ce monde inconnu qui risque, à chaque instant, de les confronter à la lecture. » Cela a même un impact conséquent sur leur vie sociale. Les personnes en situation d’illettrisme sont constamment obligées de s’adapter. « Prendre toujours le même menu que les autres au restaurant, photographier dans sa mémoire chaque panneau quand on a réussi, après d’incommensurables efforts, à obtenir le permis, être limité dans les jeux de société réalisés entre amis, croire qu’on n’est pas assez intelligents pour fréquenter un cinéma, un musée ou un théâtre » Toute cette pression peut les pousser à l’isolement et la perte de confiance en soi. « La honte, la peur, l’annihilation de l’estime de soi, la stigmatisation et l’humiliation sont autant de réalités que les personnes illettrées vivent au quotidien. »
Outre ces problèmes, il est très difficile pour une personne dépourvue de la capacité de lecture et d’écriture de trouver un travail et d’être épanouie professionnellement. « Comment rechercher un travail, le garder, voire évoluer professionnellement quand on ne sait ni lire ni écrire ? Consulter une annonce, rédiger une lettre de motivation, prendre connaissance d’une notice de sécurité, produire un écrit simple de transmission. » Tout ce qui parait évident et obligatoire pour la recherche d’un travail, est une mission impossible pour les personnes illettrées.
« Papa, j’ai honte de toi, tu ne sais pas lire ! »…
« « Papa, j’ai honte de toi, tu ne sais pas lire ! »… Combien cet homme m’ayant exprimé son envie d’apprendre parce que sa fille entrant au CP lui avait fait cette cruelle réflexion, m’a touchée ! » reprend Malika. L’illettrisme est en effet un frein pour l’insertion sociale, professionnelle lorsqu’il s’agit d’être un parent. « Faire un mot dans le carnet de correspondance, comprendre la liste des fournitures, raconter une histoire à son enfant, prendre connaissance des contre-indications d’un médicament, mettre en garde contre les réseaux sociaux. » Toutes ces tâches sont irréalisables pour les personnes en situation d’illettrisme. L’accompagnement des enfants dans leur scolarité est la première motivation qui encourage les personnes en situation d’illettrisme d’apprendre à lire et à écrire. « Ce Monsieur a appris à lire, à son rythme. Il a atteint les objectifs qu’il s’était fixés : apporter un soutien à sa fille et lire le journal. Estimant qu’il n’en avait pas besoin, il n’a pas souhaité apprendre à écrire mais il a accédé à sa liberté, qu’il a su me transmettre en me lisant, à haute voix, un article de la Voix du Nord. »
C’est donc dans de réelles conditions difficiles que les personnes en situation d’illettrisme sont obligées de vivre quotidiennement. « Une vulnérabilité permanente, voilà ce que vit, au quotidien, les personnes en situation d’illettrisme. Elles sont souvent les proies de personnes peu recommandables, comme certains commerçants malhonnêtes, qui abusent de leur faiblesse. Elles sont, parfois aussi, victimes de membres de leur famille, qui exploitent leur méconnaissance à leur avantage. » C’est pour cela que des organisations comme l’ANLCI ou des centres de formation aident à l’apprentissage et l’insertion de ces personnes. Dans notre société, une personne illettrée est malheureusement souvent stigmatisée. C’est avec cette phrase que Malika clôture sa réflexion : « » Illettré » n’est-il d’ailleurs pas une nouvelle insulte, laissant comprendre que la personne est inculte, voire idiote ? ».
Lucie Boutez
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