Des chatbots qui font « parler les morts », une question d’éthique

Les chatbots, appelés également deadbots permettent de converser avec nos proches après leur décès, grâce à la création d’un avatar les imitant. Une intelligence artificielle qui pose des questions éthiques sur la limite de la technologie.

Loin du fantasme de science-fiction, ces applications imitent une personne disparue dans des discussions en ligne grâce à l’intelligence artificielle. Les morts deviennent des « avatars », mis au point par des algorithmes. Cela se base sur des échanges en ligne qu’ils ont pu avoir au cours de leur vie. Expressions, blagues ou bribes d’histoire de personnes décédées sont imitées dans ces chatbots ressemblant à Messenger ou Whatsapp.

Le comité d’éthique alerte

Redonner « vie » aux morts et converser avec eux pose un problème déontologique important. Le Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN) a publié le 9 novembre un avis sur les enjeux éthiques des chatbots. Le CNPEN craint que ces plateformes ne créent une « addiction à ces dialogues fictifs », ou influencent les utilisateurs dans leurs choix, leurs décisions ou les induisent en erreur.

Le rapport souhaite également limiter la personnalisation des chatbots pour ne pas produire « de dangereux brouillages entre humain et non humain », d’après la magazine Sciences et Avenir. En d’autres termes, ces dispositifs imiteraient « trop bien » une personne, au risque de tromper l’utilisateur. La démarche pourrait être utilisée à des fins peu scrupuleuses pour des arnaques ou des usurpations.

L’émergence des « deadbots »

Face au décès d’un proche, les comportements diffèrent. La « recherche » de la personne disparue est une étape récurrente dans le chemin du deuil : regarder des photos, penser l’apercevoir dans la rue, écouter sa messagerie vocale, lire ses textos… Ces actions permettent de manière inconsciente de conserver un lien avec le défunte.

La série dystopique Black Mirror imaginait dès 2013 dans un épisode un dialogue entre une femme et son compagnon décédé grâce à une application mobile. Mais c’est en 2017 que ce projet a réellement été conceptualisé par James Vlahos, un Américain dont le père était en phase terminale d’un cancer des poumons. Pendant plusieurs heures, ce journaliste lui pose d’innombrables questions pour conserver un maximum de souvenirs. Si l’idée initiale est d’écrire un livre sur son papa, James Vlahos a finalement pensé à programmer un « avatar conversationnel » à l’image de son père.

Claire Boubert