Monter sur des toits, visiter des lieux abandonnés, c’est le quotidien de Baptiste Hermant, un étudiant de 21 ans qui comme beaucoup de nouveaux « explorateurs », a fait de la ville son terrain de jeu. En Faits a passé une après-midi sur les toits de Lille avec ce jeune casse-cou qui garde pourtant les pieds sur terre.

Il est 14h lorsque nous retrouvons Baptiste place Rihour. L’étudiant en histoire, originaire d’Arras, prépare les concours des écoles de journaliste : c’est ce dont nous parlons pendant que l’on se dirige vers une grande enseigne proche dont le toit est facile d’accès. Après avoir enjambé un muret et franchis quelques obstacles, nous atteignons un toit voisin dont la vue est éblouissante : tout le Vieux Lille s’offre à nous, du marché de Noël en installation aux locaux de la Voix du Nord en passant par le Nouveau siècle et ses grands bâtiments environnant.
Un hobby lié aux réseaux sociaux
A peine le temps de prendre des photos, de poser quelques questions qu’un vigile arrive pour nous déloger. « Vous savez que c’est une propriété privée ici ? Normalement je devrais appeler la police ! » Alors qu’il nous raccompagne au rez-de-chaussée, nous comprenons vite que nous ne sommes pas les seuls à nous aventurer sur les toits. Il nous explique même que les visiteurs involontaires affluent quotidiennement sur les sommets des bureaux de la banque, et qu’il s’agit principalement de jeunes. L’urbex (abrégé d’exploration urbaine) est en effet très populaire chez les adolescents et les jeunes adultes, à la fois pour l’adrénaline qu’entraine la prise de risque mais aussi pour le côté « aventure », le fait de découvrir des lieux peu visités et d’en partager les photos sur Instagram.

Baptiste me confie que c’est avec des amis du collège qu’il a découvert cette pratique, même s’il est attiré par l’escalade et l’exploration depuis son enfance. Aujourd’hui, l’urbex compte une grosse communauté en France. Le Grand JD, vidéaste francophone spécialiste de la pratique, totalise plus de 3,44 millions d’abonnés sur sa chaîne YouTube. Rien d’étonnant donc à ce que les petits curieux pullulent sur les toits les plus facile d’accès.
Une pratique qui reste illégale et dangereuse
Le toit où nous nous rendons ensuite est loin d’être ouvert à tous et Baptiste doit ruser pour s’introduire dans l’immeuble dont la porte s’ouvre avec un badge. Une fois à l’intérieur, il faut encore atteindre la trappe de secours du dernier étage et donc être à l’aise avec l’escalade. Tout ceci constitue bien sûr un viol de propriété privée et Baptiste en a bien conscience : « on peut se douter que c’est illégal car nous sommes quand même sur le toit d’un bâtiment qui appartient à quelqu’un, que ce soit un particulier ou la collectivité ». Il justifie cette pratique par des règles strictes que suivent une bonne partie de la communauté urbex : « tant qu’il n’y a pas de dégradation, tant que ce n’est pas pour faire du mal à autrui, il n’y a pas de soucis pour moi ». Il comprend toutefois le désarroi des propriétaires qui tombent parfois nez-à-nez avec des intrus sur leur propriété : « on a la chance d’avoir un immense patrimoine français, c’est vraiment dommage qu’il soit dégradé ».

Les risques ne sont pas seulement matériels, c’est ce que nous rappellent les deux policiers venus nous déloger du toit pendant l’interview : « de cette hauteur-là, tu tombes et c’est terminé, penses à tes parents ! » sermonne l’un des agents de la paix à Baptiste, qui aime faire l’équilibriste. Des risques il y en a : à 50 mètres au-dessus du vide, une chute est vite arrivée et elle est presque mortelle à coup-sûr. Notre jeune grimpeur reste conscient du danger : « il ne faut pas mettre de côté la peur, c’est elle qui me permet d’être conscient de ce que je fais et d’avoir tous mes sens en éveil pour éviter les faux-pas. Le risque zéro n’existe pas et il faut bien en être conscient. ».
Malgré le danger, Baptiste continue de jouer les acrobates sur les toits lillois, arrageois et parisiens et me raconte ses plus beaux souvenirs d’urbex : les toits du musée du Louvre, ceux du Grand Palais, les catacombes de Paris, de quoi faire rêver ou frissonner les amateurs d’aventure. Nous nous quittons vers 16h non loin du boulevard de la Liberté. Avant de partir il me confie son rêve, qui est aussi l’objectif de sa prochaine exploration de taille : visiter Tchernobyl.
KEVIN CORBEL
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