Justice : le cri d’alerte des magistrats

Dans une tribune publiée mardi, trois mille magistrats et cent greffiers dénoncent le manque de moyens dans la justice. Ces professionnels du droit réclament du changement, et vite. Ils ont été reçu par le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti.

Après les avocats la semaine dernière, les magistrats et les greffiers ont décidé d’élever la voix. Mardi 23 novembre, 3 000 d’entre eux ont publié une tribune dans le journal Le Monde. Son titre ? « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout ». L’appel démarre par le portrait de Charlotte. Âgée de 29 ans, cette jeune magistrate s’est suicidée le 23 août, après deux ans d’activité. Ses collègues dénoncent des « conditions de travail difficiles » auxquelles « s’ajoutaient des injonctions d’aller toujours plus vite et de faire du chiffre ». Chose que Charlotte refusait d’appliquer, préférant faire primer la qualité à la quantité. « Ce n’est pas un cas isolé », assurent ses collègues. Pour éviter que ce genre de drame ne se reproduise, les signataires réclament du changement. Et vite. Ils dénoncent ce dilemme infernal qui consiste à « Juger vite mais mal, ou juger bien mais dans des délais inacceptables. »

Cette gronde continue de grandir. D’autres magistrats et greffiers ont rejoint le mouvement. Désormais, le total de signataires est de 5 565. La France compte 9 000 magistrats. D’autres professionnels du droit, comme les avocats, ont aussi apporté leur soutien.

Les signataires reçus par le Garde des Sceaux

Face aux remous importants que suscitent la tribune des « 3000 », le ministre de la justice a décidé d’agir. Il a reçu, ce vendredi, une trentaine de signataires. Cette délégation était composée de magistrats (du siège et du parquet) et de juges (d’application des peines et d’instruction). La réunion a duré plus de trois heures. « C’est un témoignage émouvant, très fort, notamment sur leurs conditions de travail, sur la charge de travail », a déclaré Eric Dupond-Moretti, à la fin de cette rencontre.

Du côté des magistrats, on espère que « cette alerte va être entendue » et qu’ils « percevront des changements notables dans les tribunaux ».

En septembre dernier, le garde des Sceaux avait annoncé une hausse de 8% du budget de la justice pour 2022, soit une augmentation de 720 millions d’euros, portant ainsi le total à un peu moins de 9 milliards d’euros. Une augmentation « en trompe-l’oeil » pour les syndicats de magistrats, puisqu’elle concerne principalement le secteur pénitencier.

Antoine Tailly