Pacte Aukus, plan sur les infrastructures, tensions entre Démocrates… Depuis le mois de septembre, le mandat de Joe Biden est agité. Que ce soit sur le plan national ou international, le président américain doit faire face à plusieurs tensions. Nous avons posé trois questions (1) à Loic Laroche, enseignant-chercheur en histoire contemporaine et spécialiste des Etats-Unis, pour mieux comprendre la politique de Joe Biden et les défis auxquels il doit faire face.
Lundi 15 novembre, Joe Biden a ratifié la loi sur le plan d’infrastructures. D’un montant de 1 200 milliards de dollars, il est le fruit d’un accord bipartisan entre Démocrates et Républicains. De quoi s’agit-il ?
Loic Laroche : Il s’agit, d’une certaine manière, d’un plan de relance de l’économie après la crise du Covid-19. Mais aussi d’un plan qui est ancien et qui correspond à un vœu plutôt bipartisan. Car Donald Trump, déjà, voulait lui-même investir dans les infrastructures pour pallier au manque d’investissement dans ce secteur depuis 40 ans. Aux Etats-Unis, les routes et les ponts sont dans un état de délabrement assez avancé. Joe Biden a donc proposé de lancer ce grand plan. Mille deux cents milliards de dollars, c’est une somme énorme, même au pays de l’oncle Sam ! Ce plan a été voté par des Démocrates mais aussi des Républicains. Sur les 200 Républicains que comptent la Chambre des Représentants, seize l’ont voté. Quant aux Démocrates, ils n’ont pas tous voté pour. Notamment Alexandria Ocasio-Cortez. Elle lui reproche d’être totalement dissocié du deuxième « Build Back Better » qui est un plan d’investissement social.
On assiste à un retour des États-Unis sur la scène internationale, du « America First » de Donald Trump au « America is back » de Joe Biden. . Comment cela se caractérise-t-il ?
Le « America is back » de Joe Biden est évidemment un moyen de se démarquer de Donald Trump. Mais pas seulement. C’est aussi un message pour l’Otan, qui veut dire :« Nous sommes à nouveau partenaires. » L’une des priorités du gouvernement Biden est de renouer le contact avec les alliés. Sur la forme, on peut dire que c’est une politique multilatérale. Mais dans les faits, ce n’est pas si simple. On l’a vu avec le départ des troupes américaines d’Afghanistan ou le pacte Aukus (accord tripartite entre les Etats-Unis, les Britanniques et l’Austalie pour la construction de sous-marins), l’Amérique est unilatéraliste. Elle l’a toujours été. Et ce, depuis George Washington. Il est peu probable que ça change.
Justement, vous venez d’évoquer le pacte Aukus. Ce pacte autour des sous-marins nucléaires a provoqué une crise diplomatique inédite entre la France et l’Australie, les Britanniques et les Etats-Unis. Pourtant, lors de la COP 26, à Glasgow, on a vu Joe Biden et Emmanuel Macron très proches. Qu’en est-il vraiment ? Cette histoire est-elle vraiment derrière nous ou est-ce simplement de la communication ?
Dans la vie politique, il y a toujours une part de communication (rires). Il est vrai que la France a été profondément touchée, s’est sentie trahie par son allié américain dans cette histoire. Les États-Unis, eux-mêmes, ont reconnu que leur gestion avait été chaotique. Ils ont pensé que les Australiens s’occuperaient d’alerter la France alors que ça n’a pas été le cas. Sur le fond, la France a absolument besoin du partenariat américain. Elle le réaffirme. Je pense même qu’Emmanuel Macron a saisi cette occasion pour essayer de défendre ce qui lui tient à cœur : le projet d’Europe de la défense. Il a besoin du soutien des Etats-Unis pour le réaliser. Et c’est ce qu’il a négocié à cette occasion. A priori, avec les Américains, tout est oublié. En revanche, c’est loin d’être la même chose pour les Britanniques et les Australiens.
(1) Interview réalisée le 17 novembre 2021
Propos recueillis par Antoine Tailly
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