Le marché jusque chez vous ou faire ses courses différemment

Avec les confinements, les modes de consommation ont changé. De nouvelles habitudes émergent : le marché en bas de chez soi, des livraisons en 10 minutes, plus rapide, plus efficace; faire ses courses n’a jamais été aussi facile. Enquête.

Il est si simple aujourd’hui de faire ses courses. A vélo, en voiture, en scooter, sans bouger ou en bas de chez soi, elles viennent directement à nous. Vous avez sûrement remarqué ces livreurs à vélo pédalant à toute vitesse, des cubes pour sacs à dos, floqués des marques Gorillas, Cajoo, Getir ou Flink se multiplier à Lille.

Dans le royaume des livreurs à vélo dirigé par Uber Eats et Deliveroo, de nouvelles start-up font en effet leur apparition pour venir livrer vos courses en 10 à 15 minutes, montre en main. La plus populaire : l’allemande Gorillas qui vient de lever 860 millions d’euros pour financer sa croissance.

Dans de petits entrepôts appelés dark stores, moins chers, sans vitrine et sans client, on stocke tous les produits. Le client prend sa commande sur leurs sites internet ou bien sur leurs applications et les livreurs préparent les commandes dans l’instant. On a eu l’idée de tester l’un d’eux : dans notre panier, on a choisi des produits de première nécessité, des fruits et légumes, une boisson et des chips. Mission accomplie : au bout de 5min40, le livreur est là. 1€40 de livraison pour ne pas sortir de chez soi.

Gorillas est né à Berlin en mai 2020. Crédit : Margaux Chauvineau.

Innovant pour les uns, inutile pour les autres

Mais, cette livraison ultra rapide aussi appelée quick commerce est-elle un système sans faille ? Ce n’est pas le cas, selon Véronique Varlin, directrice associée à l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo), qui évoque un business de la flemme. « On pourrait aussi parler du business de la facilitation du quotidien, précise la spécialiste. Je dis ça de manière impartiale, certains vont considérer que c’est un progrès, que c’est une manière de s’affranchir des contraintes du quotidien. D’autres pourront y voir le glissement de la facilitation du quotidien au confort », finit-elle.

Mais la directrice n’est pas la seule à nuancer ses propos. « Si c’est pour pousser les gars à griller des feux et à se prendre un camion, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Je dis d’abord à mes employés de faire gaffe à eux et tant pis s’ils sont en retard », indique Kevin, fondateur de Comment ça vrac. Dans ce milieu très compétitif marqué par la crise sanitaire, de petites entreprises proposent une alternative aux courses classiques et rapides. C’est ce que promet Comment ça vrac, un commerce, pas comme les autres qui a développé une nouvelle forme d’achats de ses courses. L’entreprise a une philosophie bien à elle : le marché qui vient jusqu’à vous.

Rémy, employé chez Comment ça vrac, avec une cliente. Crédit : Margaux Chauvineau

Cette épicerie mobile a été créée il y a deux ans par Kevin et Karim, des amoureux du vélo qui souhaitaient changer de vie et qui se sont adaptés aux consommateurs pendant le covid. « Pendant la crise, on a multiplié l’activité par cinq à peu près, donc on a dû embaucher », explique Kevin.

A deux, ils ont construit des vélos cargos à l’arrière desquels ils stockent tous leurs produits. Fruits et légumes, noix en vrac, briques de lait, ils préparent des produits locaux, bio et de saison. Leur objectif ? Faciliter la vie des consommateurs, valoriser les produits du coin et recréer du lien avec le commerçant. Tout ça de manière plus écologique. « On réduit la pollution, on ne laisse pas de traces derrière nous, on est beaucoup moins bruyants. En plus, on peut aller quasiment partout », partage Kevin.

Il est possible de faire des demandes de passage sur le site de l’entreprise. Crédit : Margaux Chauvineau

Désormais à cinq dans leur entreprise, les salariés de l’entreprise à bord de leurs mini-véhicules sillonnent la ville et déplient leurs étals ambulants aux quatre coins de Lille et ses quelques communes des environs. Un rendez-vous très apprécié par les consommateurs. « On rencontre des gens du quartier, c’est convivial et ça fait travailler les entreprises locales, tout ce qui me plaît », partage Catherine, une consommatrice. « Il y a beaucoup de choses, tout le monde y trouve son compte. Aujourd’hui, il pleut, j’habite pas loin, et ça me fait plaisir de venir ici, comme ça je prépare tout ce dont j’ai besoin pour la semaine », continue Sophie, une cliente.

Selon l’ObSoCo, près de 45% des Français font des achats via le e-commerce ou se font livrer. Alors même si la majorité n’est pas encore convaincue par la livraison, et donc en particulier par le quick commerce, ce modèle est très attractif chez les jeunes actifs de la ville. La question qui se pose alors : ces systèmes de livraison ultra rapide parviendront-ils à s’installer durablement ?

Margaux Chauvineau, avec Amélie Desjuzeur