À Lille, plus de 2.000 personnes ont participé à la manifestation contre les violences sexistes et sexuelles, initiée par le collectif NousToutes, le dimanche 21 novembre. Sandrine Rousseau et le mouvement #Metoo Politique se sont mêlés à la procession. Immersion.
« C’est essentiel la lutte contre les violences sexuelles. Cela faisait deux ans qu’on n’avait pas pu faire de rassemblements. Alors je reviens voir les copines aussi ! », confie avec un grand sourire, Sandrine Rousseau, militante féministe et ex-candidate aux primaires écologiste. Il est 14 heures, et en ce troisième dimanche de novembre, à Lille, la vague violette envahit la place de l’Opéra. À l’appel du collectif NousToutes pour protester contre les violences sexistes et sexuelles, plus de 2.000 personnes battent fièrement le pavé, contre averses et températures polaires. Chattes en colère, Victime on te croit, violeur on te voit ou encore Je ne t’aime pas à en mourir, les pancartes s’agitent, les slogans se crient : « Sororité pour les femmes du monde entier » !
Un seul mot d’ordre : essentiel !
Quelques personnalités politiques sont de la partie. En outre Sandrine Rousseau, les députés de la France Insoumise, Adrien Quatennens et Ugo Bernalicis. « Depuis le 1er janvier 2021, plus de 100 femmes ont été tuées par leurs conjoints ou leur ex, parce qu’elles sont des femmes », « la société se mobilise contre les violences avec partout la même conviction, les violences sexistes et sexuelles ne sont pas une fatalité. » : les militantes féministes se succèdent à la tribune temporaire offerte par le perron de l’Opéra. Puis le cortège s’élance à l’assaut de la grande place et de la rue Nationale.
« On souhaite être la continuité politique des revendications portées ici. », explique Ugo Bernalicis, tout en brandissant une bannière jaune et violette revendiquant 1 milliard pour les violences faites aux femmes. Le député est déjà en campagne présidentielle : « Voyez-vous, un milliard pour le droit des femmes, c’est un des dix projets de la présidentielle de notre candidat Jean-Luc Mélanchon. Car c’est essentiel. » Essentiel semble être le mot d’ordre du jour. Un instant, rue Nationale, le défilé s’interrompt. Le mythique hymne du Mouvement de Libération des Femmes s’échappe de la procession.« Levons-nous femmes esclaves/ Et brisons nos entraves /Debout, debout, debout ! »… L’émotion est palpable. L’heure est d’honorer les ainées qui ont commencé le combat.
« J’ai l’impression qu’on a touché toutes les autres strates et on revient maintenant au MeToo politique. »
MeToo Politique, DéZemmour, Darmanin Démission, Rendez l’argent… Les messages adressés au macrocosme de la politique française inondent le cortège. Car depuis le 15 novembre dernier, le monde politique a enfin son MeToo. Et ça ne s’arrête plus. « On en avait parlé des violences sexuelles dans les milieux politiques avant MeToo. J’ai l’impression qu’on a touché toutes les autres strates et on revient maintenant au MeToo politique. », explique Sandrine Rousseau. Elle est signataire, avec 285 autres femmes élues, de la tribune publiée dans Le Monde, à l’origine de cette nouvelle vague de libération de la parole. Ladite tribune annonce vouloir « écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes de la vie politique » et que surtout, « ceux-ci n’ont pas leur place aux élections de 2022 ». Aux côtés de Sandrine Rousseau, les députés Karima Delli (EELV), Danièle Obono (LFI) ou encore la vice-présidente du Sénat, Laurence Rossignol, s’engagent.
La retentissante tribune évoque «trois candidats ou potentiellement candidats à l’Élysée déjà cités dans de nombreux témoignages d’agressions sexuelles». Les scandales planent au-dessus de Zemmour, accusé de violences sexuelles par plusieurs femmes, François Asselineau, mis en examen pour agressions sexuelles et Jean Lassalle, accusé de harcèlement sexuel par plusieurs femmes… Le monde politique français n’a jamais montré patte blanche sur le sujet des violences sexuelles et sexistes. Les paroles portées ces dix dernières années contre les agissements de Georges Tron ou encore Dominique Strauss-Kahn l’ont démontré. En 2016, Sandrine Rousseau est une des premières à sortir du silence en accusant le député écologiste Denis Baupin de harcèlement et agressions sexuelles. Une affaire qui éclate à la suite de la publication d’une enquête de Mediapart et France Inter, dans laquelle huit femmes accusent anonymement l’élu écologiste. Une enquête préliminaire est ouverte, mais le dossier est classé sans suite début 2017 en raison de la prescription. « Je fais partie intégrante de ce MeToo politique. Il ferme la boucle. Et il est temps que cela bouge, car il y a beaucoup de choses à sortir du placard. », se réjouit Sandrine Rousseau, fière que l’omerta se brise peu à peu.

#MetooPolitique : entre brebis galeuses, porcs et petites cochonnes
Violée à 17 ans durant un évènement syndical, violée plusieurs fois à 19 ans par un responsable politique, finir à l’hôpital après l’agression d’un élu, être humiliée par un actuel candidat à l’élection présidentielle qui n’hésite pas à commenter et toucher tous les fessiers qu’il voit, se retrouver face un élu qui enlève sa ceinture, déboutonne son pantalon et dit : « Je vais te punir »… Sur les réseaux sociaux, depuis plus de deux semaines, une fois encore la vague a déferlé et plusieurs centaines de femmes ont révélé, sous le hashtag #MeTooPolitique, les situations de harcèlement, voire d’agressions, auxquelles elles ont été confrontées dans le milieu militant. Sans surprise, ce ne sont pas des actions isolées de quelques brebis galeuses, c’est un sexisme généralisé et banalisé qui gangrène les institutions politiques, des petites mairies jusqu’aux grands partis.
Dans la sphère politique, évidemment, les femmes s’empressent de rebondir sur le sujet. Élisabeth Moreno, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, a apporté son soutien au mouvement, le 20 novembre, sur France Info. Lydia Guirous, féministe engagée, ancienne militante au parti radical et membre du parti Républicain, appelle à faire attention aux abus des dénonciations #metoo, au micro de Sud Radio. « Cela devient une tradition à la veille des élections présidentielles, vous avez toujours les néo-féministes qui se mobilisent. Pour la saison 2022, américanisation oblige, nous voilà partis pour une interminable session MeToo, elle ajoute, Oui, j’ai vu les porcs qu’il fallait balancer, mais j’ai vu aussi les petites cochonnes. »
Retour au cortège MeToo qui achève sa route place de la République. Il est 16 heures. Aux côtés des militantes, Sandrine Rousseau s’époumone dans le micro : « Nous sommes fortes, nous sommes fières, féministes et radicales en colère ». Quel avenir pour le monde politique français ? Un ministre de l’intérieur en activité, accusé d’abus de pouvoir et d’agressions sexuelles et bientôt un futur Président sous le même régime d’accusation ?… Sandrine Rousseau conclut : « Nous lutterons, car nous l’avons décidé. Le temps de l’impunité est révolu. » La vague violette se dissipe. Seulement un temps. À plus tard.
Marie Chéreau
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