Réduire les émissions de gaz à effet de serre, renoncer au charbon, cesser de financer les projets d’énergies fossiles : telles ont été les annonces phares de la COP26 qui s’est tenue à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre dernier. En France, l’agriculture est le deuxième secteur le plus polluant en termes d’émissions de CO2. Face à ce problème certains exploitants agricoles osent le virage de la transition énergétique avec pour certains le choix de la méthanisation. C’est le cas de l’entreprise Vimagri Energies à Méneslies.
Les sommets et conférences mondiales se multiplient, les rapports des scientifiques deviennent de plus en plus alarmants, la société civile se mobilise massivement et pourtant le constat reste le même : la transition écologique tarde et la planète s’embrase. Les objectifs de la COP26 restent dans la droite ligne des Accords de Paris : il faut contenir le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici 2100. Ces chiffres semblent utopistes, alors que le rapport du GIEC publié en août dernier prévoit une hausse comprise entre 3,3°C et 5,7°C d’ici la fin du siècle.
Dans ce contexte émerge de plus en plus l’idée que ce ne sont plus les petites actions du quotidien qui feront la différence mais qu’il en va désormais de la responsabilité des secteurs les plus polluants de prendre à bras le corps ces enjeux. Parmi eux se trouve en première position le transport routier, largement incité par l’industrie qui occupe la quatrième place après le tertiaire et le résidentiel (INSEE). Sur la deuxième marche du podium se trouve l’agriculture, qui a émis en 2020 en France une quantité de gaz à effet de serre équivalant à 85,5 millions de tonnes de CO2. Pour pallier ce problème, des agriculteurs tentent de réduire leur impact carbone en repensant la gestion et le stockage de leurs effluents agricoles. Ils font pour cela le pari de la méthanisation.
A Méneslies, un projet controversé
« La méthanisation permet de favoriser une économie circulaire locale, non délocalisable, qui crée de l’emploi et qui soutient l’élevage. «
C’est le cas du petit village de Méneslies dans la Somme, où l’entreprise Vimagri Energies a pour projet d’installer une unité de méthanisation afin de transformer en biogaz les matières fermentescibles de trois exploitations agricoles environnantes. Et pourtant le projet est à l’arrêt depuis plusieurs mois, suite à une consultation publique lancée par quelques habitants de la commune. Les arguments contre le méthaniseur sont multiples : problème d’odeurs, trop grande proximité avec le village (500 mètres), risque d’entraver les courants migratoires des oiseaux. Ils pointent aussi du doigt la dévaluation immobilière qu’entraînerait l’installation d’une telle unité sur leur commune. Un recours a été déposé auprès du tribunal administratif qui est actuellement en attente de traitement. (source : L’Eclaireur)
Afin de comprendre les critiques faites au méthaniseur, nous sommes allés à la rencontre de Sébastien Théron, président de la SAS Vimagri Energies.
Fleur Tirloy : « Vous avez fait le choix avec deux autres agriculteurs d’installer une unité de méthanisation sur votre exploitation alors qu’il s’agit d’un projet économiquement très coûteux, qu’est-ce qui a motivé ce projet ?
Sébastien Théron : En premier lieu la gestion et la valorisation des effluents car plus il y a d’animaux plus il y a d’effluents ce qui pose des problèmes car il faut soit l’épandre soit la stocker alors qu’avec un méthaniseur cette matière serait valorisée. Il y a 10 ans nous avons pris exemple sur les Allemands (projet d’alimenter la piscine de Friville-Escarbotin qui a été abandonné depuis) qui sont beaucoup plus en avance que nous.
Le principe de la méthanisation permettrait de valoriser la main d’œuvre qui travaille sur les élevages et de gagner en autonomie en termes d’engrais. L’objectif in fine est de transformer les matières organiques présentes sur les exploitations en engrais et en biogaz, le même gaz qu’on fait venir de Russie. Donc on gagne non seulement en autonomie alimentaire mais aussi en souveraineté énergétique en réinjectant le gaz produit dans le réseau. La méthanisation permet de favoriser une économie circulaire locale, non délocalisable, qui crée de l’emploi et qui soutient l’élevage.
F.T : Installer un méthaniseur sur votre exploitation permettrait donc de produire de l’énergie propre et de réduire les émissions de gaz à effet de serre que produisent des matières comme le fumier par exemple. Dans un contexte mondial de réduction du bilan carbone, pourquoi n’y a-t-il pas plus de méthaniseurs en France selon vous ? (1084 unités de méthanisation au 1er janvier 2021 en France contre 10 000 environ en Allemagne)
Sébastien Théron : A mon avis c’est parce qu’il y a une complexité administrative qui est conséquente et un coût important, rien qu’en études, ce qui rebute beaucoup d’éleveurs et d’agriculteurs. A cela s’ajoute de nombreuses questions et interrogations des riverains qui pensent que la méthanisation engendre des odeurs et des nuisances de transports, alors que le digestat (la matière sortante sous forme d’engrais) est inodore et incolore. Quant au transport, les camions ne passeraient pas dans le village mais sur la route départementale qui est la plus fréquentée du département avec 7 000 passages par jour, donc je ne pense pas que trois camions de plus changent quelque chose. »
La méthanisation : l’avenir de la transition énergétique ?
La méthanisation, ce procédé par lequel la matière organique fermente pour être ensuite transformée en gaz et en fertilisant, semble en effet avoir un bel avenir devant elle. Bien que la France se soit engagée lors de la COP26 à ne plus financer à l’étranger les projets d’investissements en énergie fossile, mettant ainsi un terme définitif à sa possible contribution au projet de Total en Arctique, il semble toutefois que la transition énergétique soit encore timide. Emmanuel Macron a d’ailleurs annoncé lors de son allocution le 9 novembre dernier son souhait de relancer le nucléaire en France, alors que l’actuel mix énergétique laisse déjà une part faible aux énergies renouvelables.
Les projets de méthanisation en cogénération (c’est-à-dire lorsqu’ils produisent du gaz et non de l’électricité, auquel cas il s’agit d’un mode par injection) bien qu’ils soient parfois décriés permettraient ainsi dans des régions hautement agricoles de continuer à promouvoir une énergie propre. D’autant que ces installations pour être acceptées se doivent d’être exemplaires ; avec un cahier des charges très stricte, un projet territorial devant inclure plusieurs exploitants et éleveurs, la collectivité, et même pour certains une valorisation des déchets issus des cantines scolaires.
La méthanisation ne sera pas à elle toute seule la recette miracle pour mettre fin aux énergies fossiles, mais continuer à encadrer son bon développement, comme le fait la Charte de l’AAMF (Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France) semble être une des solutions pour atteindre les objectifs fixés par la loi Energie Climat de réduire de 40% la consommation d’énergies fossiles d’ici 2030.
Fleur Tirloy
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